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II. Le destin de Calais se joue et se conclut à Moret

Amis de Moret : 2ème Partie:

Du Traité d’Hampton Court, à l’entrée de Catherine de Médicis à Orléans


La ville de Calais prise par les anglais d’Henri III aux lendemains de la défaite de Crécy du 26 août 1346, était depuis la tête de pont de l’Angleterre sur le continent et avec son environnement le Calaisis, considérée par les anglais comme territoire anglais. La reprise des hostilités 2 siècles plus tard, la guerre d’Henri II faite aux Espagnols et Impériaux de Philippe II, et à Marie Tudor sa femme, la reine d’Angleterre, va permettre malgré les désastres français, à ce dernier de reprendre la ville de Calais, grâce aux talents de François duc de Guise. Le traité de Cateau-Cambresis conservera Calais pour 8 ans à la France, sinon à racheter cette ville. Marie Tudor décédée, Elisabeth 1ère sa demi - sœur va tout mettre en œuvre pour faire rendre Calais à l’Angleterre,



François de Beauvais seigneur de Briquemaut 1502-1572, le négociateur du Traité d’Hampton Court

L’affaire de Calais avait été relancée avec la prise du Havre, le Havre-de-Grâce le 8 mai 1562 par les forces protestantes, qui tenaient déjà Rouen et Dieppe. Cette conquête sur les catholiques avait permis à François de Briquemault, le négociateur envoyé par le Prince de Condé et l’amiral de Coligny, de signer avec la reine l’Angleterre le désastreux traité d’Hampton Court le 20 septembre suivant qui offrait son soutien aux protestants français « sans que ce présent traité puisse préjudicier au droit de la reine d’Angleterre sur Calais ». Pour la reine Elisabeth c’était l’outil inespéré qui devait lui permettre dans un second temps, de reprendre la ville de Calais. Pour les protestants, c’était le soutien matériel immédiat en hommes et en armes, mais surtout financier de l’Angleterre, en échange de la livraison du Havre.


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Convaincue que l’Angleterre ne sera jamais plus forte et plus en paix, que lorsque ses voisins seront dans le désordre Elisabeth, va introduire en Europe ce qu’on appellera ‘le droit d’Intervention’1. C’est pour cela qu’elle avait envoyé en France comme son ambassadeur, Nicolas Throckmorton, l’ennemi mortel de la France dont on verra la main dans tous les troubles de l’époque, en charge de jeter de l’huile sur le feu partout et autant qu’il lui serait possible

Depuis le 15 avril 1562, la ville de Rouen était devenue une ville protestante, quand les citoyens de cette religion s’en étaient emparés par un coup de force, immédiatement soutenus par l’armée huguenote qui battait la campagne normande et qu’ils feront entrer le même jour dans la ville. Rouen commandait la Normandie, le Havre en était à portée par navigation de l’Angleterre. L’amiral de Coligny fera nommer Briquemault gouverneur de la ville. Dès cette nouvelle connue, le roi d’Espagne soutenu par le duc de Savoie proposera d’aider la reine-mère en lui envoyant 30.000 hommes de pied et 6.000 chevaux. Mais dans l’autre sens, l’incontournable ambassadeur Throckmorton écrivait le 17 avril 1562 à Cecil le 1er ministre d’Elisabeth : « Je sais de bonne main que le roi d’Espagne à l’œil ouvert sur Calais, Dans le cas où les chefs catholiques voudraient mettre aux mains de l’Espagne, quelque port ou forteresse, il faudrait que les protestants fussent amenés à nous livrer Calais, Dieppe et le Havre, ou tout au moins l’une de ces trois places, n’importe laquelle, pourvu que nous en ayons une; mais cette demande doit venir d’eux, et l’occasion s’en présentera d’elle-même, lorsqu’ils nous demanderont des hommes et de l’argent ». La réaction française ne va commencer qu’au début de septembre 1562, quand l’armée royale2 quittant Bourges, gagnera la Normandie, en commençant par assiéger Tancarville.



Le château de Tancarville


L’angoisse de La reine mère, c’est l’occupation des villes de Normandie, la plus riche province du royaume par les anglais, avec l’aide des protestants, et elle écrira le 20 septembre à l’évêque de Rennes3: « Nous allons en Normandie, pour remettre à l’obéissance les trois places que les rebelles y occupent encore, et ne sommes pas sans défiance, qu’ils appellent les anglais à leur secours; déjà il y a en Angleterre les préparatifs qui tendent à cette fin »

Elle ne s’était pas trompée. Le 29 août les protestants et Briquemault avaient livré le Havre-de-Grâce aux anglais et cela par la seule autorité de l’amiral de Coligny agissant au nom du Prince de Condé, lequel non sans raison s’en défendra toujours, même si un historien anglais4 écrira à ce propos: « Pour un prince du sang, appeler l’anglais en France, c’est un crime de trahison »

Sous l’autorité d’Antoine de Bourbon5, l’armée royale avait progressé: L’encerclement de la ville de Rouen, par l’armée royale forte de 30.000 hommes conduite par le connétable de Montmorency et le duc de Guise, dont la mission était aussi d’empêcher les forces anglaises de se joindre aux protestants, sera terminé le 28 septembre, et le lendemain, Charles IX arrivé devant Rouen, fera sommer Gabriel de Montgomery, devenu par Condé le gouverneur de la ville, de se rendre. Montgomery était celui qui avait involontairement blessé mortellement Henri II lors du tournoi du Faubourg Saint Antoine. Ce dernier ayant refusé, ce sera le début de la canonnade de l’armée royale.



Siège de Rouen.

Enluminures du manuscrit Carmen de tristibus Galliae, 1577


Le surlendemain le 29, un premier assaut de l’armée royale contre le fort de Sainte Catherine, sera malheureux et couteux en vies, infructueux et meurtrier tout comme le second assaut conduit le lendemain par les allemands, qui durent eux-aussi se replier. L’agressivité des forces protestantes et de leur soutien anglais, les fera engager une courageuse contre-attaque depuis le fort Saint Catherine, où ils vont pendant cette sortie, tuer le colonel général de l’infanterie française, le sieur Randan. En réponse, les Français vont alors tenter après une canonnade de trois jours de s’emparer du second fort, le fort Montgomery: Là aussi un échec. Par crainte justifiée de l’arrivée de renfort anglais, ils vont déployer sur la Seine des bateaux chargés de pierre pour bloquer la navigation. Il était temps, 2 jours plus tard, 6 bateaux anglais et dieppois paraissent en vue de Rouen, mais heureusement se retirent après que l’un d’eux se soit échoué. Damville, le second fils du Connétable de Montmorency, qui surveillait l’opération, va attaquer aussitôt ces anglais, massacrer 200 hommes et faire les autres prisonniers, dont onze furent, en représailles, et pour faire réfléchir les Rouennais, pendus par son père6.

Le connétable de Montmorency et de Duc de Guise informés de l’arrivée des anglais au Havre6-2 et de la mise en route immédiate de travaux de fortification par Warwick son gouverneur anglais, décident dès le 6 octobre au petit matin de hâter le siège de Rouen, donnent un assaut général au fort Sainte Catherine. Par cette impétuosité et une bonne préparation, celui-ci et le fort de Montgomery sont pris. L’attaque de la ville pouvait commencer. Dès le soir La Reine mère et le roi vont s’installer dans le fort, cette position d’où l’on pouvait dominer toute la ville de Rouen, et où le duc de Guise fera installer le plus fort de son artillerie. Catherine de Médicis dans une lettre datée du fort de Sainte Catherine7 informera le parlement de Paris de ce succès de l’armée royale.

Le premier assaut de la ville va être donné le 13, difficilement repoussé par les anglais venus en première ligne et soutenus par la population, hommes et femmes. Le faubourg Saint Hilaire sera pris le lendemain, permettant l’attaque générale de Rouen, attaque qui va être longue et difficile, durant laquelle le 16, Antoine de Bourbon, sera grièvement blessé.


Antoine de Bourbon, roi de Navarre 1518-1562

Pour accélérer la chute définitive de la ville, le 25 octobre, le roi Charles IX donne un édit d’amnistie en faveur des défenseurs de Rouen, qui ne sera guère suivi dans les faits, et Montmorency devra exercer des poursuites contre les chefs de la ville. Le lendemain, les catholiques lancent l’assaut final. Les combats seront féroces, surtout ceux opposants le contingent écossais allié du roi de France aux anglais d’Elisabeth Iere. Montgomery qui a réussi à rester sauf, se replie sur Le Havre, fortement tenu par les anglais. Profitant de l’obscurité, dans la nuit du 26 au 27 la plus part des protestants de Rouen vont à leur tour gagner le Havre par bateau et de là pour beaucoup d’entre eux, tenter de gagner Orléans pour rejoindre Condé. Ce ne sera que le 28 octobre que Rouen ayant été enfin conquise, le roi et la reine pourront entrer dans une ville dévastée, où le connétable convoque les bourgeois et les soldats, pour qu’ils livrent toutes leurs armes. La répression sera féroce8, et ne sera arrêtée que par la Reine. Le siège et la libération de la ville terminée Montmorency va continuer son action pour la reconquête de Dieppe, en donnant la mission au Rhingrave9 de surveiller le Havre et son occupation par les anglais. Avec la mort du roi de Navarre qui va succomber à ses blessures le 17 novembre suivant aux Andelys, Montmorency va retrouver toute son autorité.


François Clouet: Jean Philippe de Salm, Rhingrave de Salm Dhaun, 1520-1569


Auparavant et grâce à la promesse de l’argent anglais, d’Andelot10 était parvenu à lever en Allemagne 3.300 Cavaliers (les reitres), et 4000 hommes à pied, fantassins et lansquenets, avec lesquels il rentre en France, en direction de Rouen, où 1.000 hommes de guerre y sont déjà arrivés sous la direction de La Rochefoucauld. Mais cela avait été trop tardif pour sauver la ville, et ces troupes allemandes vont se mettre à la disposition de Condé à Orléans

Le roi Charles IX, 2 jours après avoir quitté Rouen était arrivé le 19 novembre au bois de Vincennes, après s’être arrêtée quelques jours à Ecouen chez le connétable de Montmorency, qui avec le Duc de Guise et le maréchal de Saint André venait de former cette alliance nommée le Triumvirat. Le 1er novembre 1562, il fera et publiera une déclaration11, dans laquelle « il accordait le pardon pour tout le passé à tous ceux du royaume qui avaient pris les armes contre leur roi, à tous ceux qui, sous prétexte de religion, leur avait fourni de l’argent et des troupes ; à tous ceux qui les avaient aidé de leurs conseils et de leurs services, à tous ceux qui étaient venus dans des villes occupées contre la volonté ou sans les ordres de Sa Majesté. » Charles IX ajouta encore, qu’ « il leur donnait à tous la liberté de revenir dans leurs maisons, et d’y jouis tranquillement de leurs biens, à condition d’exercer la religion catholique, de ne point assister aux prêches des Protestants, et de ne jamais prendre les armes à l’avenir, sans les ordres exprès du roi …. Toutefois étaient exclus de cette grâce, les chefs et les auteurs des séditions excitées dans les villes, ceux qui aveint profané et pille les églises… » .




Charles IX


Le Prince de Condé ne pouvait accepter ni cette déclaration ni la défaite que constituait la reprise de Rouen par l’armée royale. Fort de l’argent et du soutien de l’Angleterre, il décide de se mettre en campagne, donnant à son tour un long manifeste qui rejetait toute la faute des troubles sur le duc de Guise et le Maréchal de Saint André, et leurs ambitions, qui faisaient rejeter toutes ses propositions de paix, les seules justes et raisonnables…etc, et il décide de partir le 8 novembre d’Orléans avec toutes ses troupes, avec l’intention première d’aller assiéger Paris.

Louis 1er, prince de Condé


L’annonce de la mort de son frère ainé Antoine de Bourbon le 17 novembre, la minorité d’Henri son fils aîné devenu roi de Navarre, l’état d’ecclésiastique du cardinal de Bourbon vont autoriser le Prince de Condé à aspirer légitimement à la succession de son frère, comme lieutenant général du Royaume. A la tête des troupes huguenotes, il va s’emparer d’Etampes, mais va échouer ensuite sous les murs de Corbeil, ce qui n’arrêtera pas sa volonté ni son élan, car il se dirige alors vers les faubourgs de Paris, en vue d’attaquer la capitale par la rive gauche. Mais ses forces seront immédiatement repoussées par les troupes des triumvirs, l’obligeant à se cantonner à Arcueil au sud de la capitale, avec Coligny et les renforts allemands arrivés avec d’Andelot et le prince de Porcien12, ce qui portait les forces protestantes à plus de 14.000 hommes.

Catherine de Médicis, toujours dans l’espoir d’obtenir la paix du royaume va provoquer une rencontre avec le prince de Condé le 26 novembre où il ne viendra pas, puis le 2 enfin le 4 décembre qui se tiendront mais n’aboutiront pas, permettant toutefois une trêve, dont l’armée royale, éprouvée par les combats de Rouen, pourra profiter en se renforçant d’un nouveau contingent de Suisses, de 2.000 gascons et d’un renfort espagnol envoyé par Philippe II. Le Prince de Condé, la trêve terminée, entreprit encore une nouvelle attaque contre Paris, qui ne réussira pas plus que la première. Déçu, il dirigera ses troupes vers la Beauce, pour delà se rendre en Normandie rejoindre les anglais.

Le Connétable de Montmorency, qui à la suite de la mort d’Antoine de Bourbon commandait la bataille, c’est-à-dire le gros de l’armée, avait sous ses ordres l’avant-garde commandée par le duc de Guise, et l’arrière garde par le duc d’Aumale, soit 16.000 hommes de pied et 2.000 chevaux français, Gascons, Allemands, Suisses et Espagnols. Catherine de Médicis13 avait ordonné au connétable d’agir au plus tôt, « je vous prie d’abréger cette guerre, car nous n’avons plus moyen de l’entretenir à la longue ». Comprenant l’intention du prince de Condé, le Connétable entreprit de lui barrer la route et à marche forcée, il atteint l’Eure le 18 décembre, pour ensuite parvenir à Dreux et enfermer l’armée huguenote dans la boucle formée par l’Eure et la Blaise. Arrivée à Mézières à une lieue du sud est de Dreux. Il va profiter de la nuit pour organiser dans un secret total son armée, forte de ses 18.000 hommes et de ses 22 canons dans la vaste plaine, derrière le village de Nuisement en contre-bas des versants boisés qui, auprès de Dreux séparent l’Eure de la Blaise , et pouvoir ainsi surprendre les huguenots.




La bataille, que l’on nommera la bataille de Dreux pouvait commencer, les protestants avec leur écharpe blanches se distinguaient des forces catholiques qui portaient l’écharpe rouge habituellement celle des espagnols.




Le Prince de Condé face à la manouevre du Connétable, fait prendre aussitôt les armes à toutes ses troupes, malgré l’avis de l’amiral de Coligny, qui lui ne croyait pas à une bataille, jusqu’au moment où il verra lui-même les premiers coureurs de l’armée royale.

Condé a défini une toute nouvelle stratégie, basée sur l’emploi de la cavalerie légère, qu’il va commander lui-même, et sans attendre que Coligny soit en ligne, il va adresser ces mots14 à ses troupes « Compagnons, je veux la première part des coups à donner ou à recevoir ; je prie Dieu qu’il vous fasse aller tous aussi résolument à la charge que je vous montrerai l’exemple »





Première charge et prise du Connétable de Mntmorency


Ayant laissé La Rochefoucauld avec 100 chevaux pour soutenir ensuite l’infanterie, Il lance la première charge avec 400 lances françaises pour attaquer la phalange des 6.000 Suisses qui formaient le centre de l’armée royale qu’il traverse par son impétuosité et la surprise, étant suivi par les gros bataillons de reîtres. Il va renverser les gendarmes catholiques des 17 enseignes de Picards et de Bretons formés « en haies » autour du Connétable, qui se trouve très menacé. Damville et d’Aumale viennent au secours du Connétable mais d’Aumale tombe aussitôt grièvement blessé, Damville doit se replier laissant son frère Montberon, mortellement blessé lors d’une charge désespérée pour secourir son père. Le connétable de Montmorency, son cheval tué sous lui, grièvement blessé au visage, entouré de reîtres allemands hurlants « Schelm Constable – Coquin de Connétable » est fait prisonnier des huguenots et remis par le capitaine allemand Volpert von Derst au prince de Portien.

Catherine de Médicis qui était tenue informée heure par heure, et de cette situation désespérée des Catholiques qui faisait croire à une victoire totale des protestants, réagira en disant : « Hé bien nous dirons la messe en Français!»



Première charge et capture du connétable de Montmorency


La seconde charge va être protestante et lancée par les capitaines Mouy et Rolthausen et leurs contingents de reîtres allemands, contre les Suisses qui grâce au courage et à l’autorité de leur chefs s’étaient reformés, en modifiant leur manière de combattre, positionnant autrement leur longues piques, pour mieux résister cette fois à l’assaut de la cavalerie légère de Condé. A nouveau la victoire semble sourire aux protestants, alors que le Duc de Guise et le maréchal de Saint André, restent immobiles et à distance à l’aile droite, mais en ordre de bataille. Il y a une heure et demie que la bataille est commencée, et déjà les pertes sont de part et d’autre très lourdes. La seconde charge

La troisième charge va renverser l’espoir de victoire des protestants. Les Suisses vont cette fois et très rapidement venir à bout et bloquer cet assaut. Le duc de Guise qui analysait froidement la bataille depuis son début, va lancer l’aile droite sous les ordres du maréchal de Saint André, et renforcé par la cavalerie de Damville, qui va disperser les reîtres allemands et les lansquenets épuisés par la qualité de la résistance des Suisses, et dont beaucoup, étaient plus occuper à piller qu’à combattre. Ce désordre va isoler le prince de Condé qui avec l’aide de l’amiral de Coligny était venu se porter au secours des reîtres. Blessé à la main, son cheval atteint par une arquebusade séparé de son écuyer, Condé va se trouver isolé et ayant roulé sous son cheval, est capturé par les gendarmes de Damville, devenant ainsi, comme c’était la coutume du temps ‘ son prisonnier’ à qui il remet son épée, avant que de devenir l’otage du duc de Guise. L’amiral de Coligny se retrouve seul à commander l’armée huguenote.


La troisième charge et la prise du Prince de Condé


La quatrième charge sera cette fois organisée par le duc de Guise qui va lancer les gendarmes de son aile droite pour envelopper d’abord l’aile gauche puis l’ensemble du dispositif protestant, En même temps et par une manœuvre habile du maréchal de Saint André, dont le projet était de disperser la cavalerie ennemie et ensuite se mettre à la poursuite de ceux qui emmenaient le connétable prisonnier, pour tenter de leur reprendre.



Jacques d’Albon, maréchal de Saint André, 1512-1562


Son premier résultat atteint, il va attendre le gros des forces du duc de Guise qui venaient de s’emparer du village de Blainville, dernier point tenu par les lansquenets. Se lançant alors dans une nouvelle charge le maréchal ne va pas voir à temps que les protestants avaient pu se regrouper, recharger leurs longs pistolets et se remettre en ordre de bataille sous les ordres de Coligny, du prince de Portien et du comte de La Rochefoucauld. Ces derniers purent avec intrépidité contre- attaquer et capturer le maréchal de Saint André qui s’était trop avancé devant le duc de Guise, alors même que sa charge était couronnée de succès. Fait prisonnier et ayant rendu son épée, le maréchal de Saint André va être lâchement et mortellement abattu, victime d’une vengeance particulière, d’un certain Baubigny qui avait eu affaire à lui à cause de ses maladresse financières, que le maréchal avait, il faut dire, fermement condamnée.

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Le duc de Guise

Les troupes protestantes, privées de la dynamique du commandement du prince de Condé, vont très rapidement se faire déborder, en laissant des pertes nombreuses. Le Duc de Guise avait pu profiter de la bravoure du maréchal de Saint André, et du résultat de ses charges : Coligny va voir successivement son artillerie commandée le grand maitre de l’artillerie protestante Jacques de Boucart, prise par les catholiques, son infanterie en déroute et sa cavalerie rompue. Il prend alors la sage décision d’abandonner le champ de bataille et de battre en retraite pour gagner Orléans, d’où il pourra ensuite aller retrouver les anglais en Normandie. Les troupes catholiques, épuisées par ces 5 heures de combat, ne pourront l’en empêcher


La quatrième et dernière charge de la bataille de Dreux


Le plus valeureux des mercenaires allemands qui sera à ses côtés dans la retraite, le capitaine de lansquenets Rolthaufen, fera ce commentaire:« Nous disons que pour argent va s’exprimer, on doit aller à la charge une fois, pour son pays deux, et pour sa religion trois ; mais à Dreux j’ai bien chargé quatre fois pour les huguenots de France »

Cette sanglante bataille15 avait fait plus de 8.000 morts sur les 29.000 engagés dans les deux camps. Pour les catholiques, qui vont rester finalement vainqueurs sur le terrain, 3.800 tués, pour les protestants qui vont battre en retraite vers Orléans, ce seront 4.500 tués, faisant de la bataille de Dreux la plus meurtrière des batailles de toute l’histoire de France, jusqu’à celles de l’Empire.

Alors que pendant la nuit du 21 au 22 deux messagers avaient apporté à la reine mère la nouvelle que la bataille était perdue, il lui faudra attendre le lundi matin à 9 heures, après une nuit de désespoir pour recevoir enfin la lettre du duc de Guise annonçant que l’affaire était gagnée et les protestants en retraite, le Prince de Condé fait prisonnier mais aussi la nouvelle de Coligny qui emmenait avec lui le connétable le Montmorency blessé qui sera son prisonnier à Orléans, où il sera affectueusement soigné par sa nièce la princesse de Condé.

Le 23 décembre, le roi Charles IX va écrire une longue lettre16 à Saint Sulpice son ambassadeur en Espagne, son propre récit de la bataille de Dreux pour qu’il en fasse à son tour le récit au roi Philippe II.

La victoire de Dreux acquise, Catherine de Médicis va dès le 22 décembre, Montmorency prisonnier, Saint André tué, nommer le Duc de Guise17, le vainqueur de cette bataille de Dreux, Lieutenant général du Royaume. Ne pouvait plus sous-estimer le rôle de la duplicité anglaise dans cette affaire, l’argent anglais donné par la reine Elisabeth dans l’espoir de retrouver Calais, grâce aux protestants français, elle refusera de recevoir Throckmorton, l’ambassadeur Thomas Smith et Somers le nouvel envoyé d’Elisabeth, qui demandaient audience, voulant disait-elle, d’abord régler le problème avec les protestants français « la paix nous est nécessaire ».


Thomas Smith 1513-1577, ambassadeur d’Angleterre en France


Le duc de Guise avait bien sûr traité le prince de Condé, prisonnier de Damville18, avec la plus grande courtoisie, et ils ‘causèrent longuement en bons parents’, Condé montrant des dispositions conciliantes qu’on ne lui soupçonnait pas, si bien que le duc de Guise enverra une lettre à la reine mère l’informant que le prince semblait incliné à la paix, ce qui autorisera la reine mère à écrire depuis Chartres le 6 janvier suivant au parlement de Paris19, précisant qu’elle se félicite des bonnes dispositions dans lesquelles elle a trouvé le Prince de Condé prisonnier à la garde de Damville

Ce même 22 décembre, Coligny, devenu le seul chef de l’armée protestante, envoie d’Auneau une lettre à la reine Elisabeth Ière dans laquelle il relate la bataille du 19 décembre donnée par le Prince de Condé, « désirant mettre fin aux troubles et désolations qui sont en ce royaume, sans regarder à l’avantage du lieu et au nombre des gens de pied et d’artillerie qu’ils avaient….en laquelle Dieu a permis qu’il ait été pris… je n’ai voulu faillir de vous supplier très humblement Madame, de vouloir maintenant que la nécessité et l’occasion s’y présentent, nous donner le secours qui nous est nécessaire… »

Coligny ayant passé la Loire de 30 décembre et refait dans les jours qui vont suivre, son armée en Sologne et en Berry, laissant le 1er février d’Andelot à Orléans avec 6.000 hommes de pied et 1500 chevaux, il se met en route le 1er février avec ses seuls 6000 reitres, pour la Normandie. Il parvient sous les murs de Caen, tenue pour le roi par le marquis d’Elbeuf, dont il commence aussitôt le siège. L’artillerie fournie par Throckmorton, en provenance du Havre, lui permet de s’emparer de la ville le 2 mars, faisant des protestants à l’exception de Rouen, les maitres de la Normandie. Il va rester à Caen jusqu’au 18 mars pour ensuite retrouver Condé à Orléans, faisant aussitôt transmettre à la Reine d’Angleterre le projet de traité de Condé tel qu’il a pu le recevoir et arrive le 23 mars à Orléans



Orléans : La maison de Calvin


Dans ce même temps, Guise s’était préparé à aller mettre le siège devant Orléans, Arrivé à Olivet le 6 février avec les troupes royales, il donne aussitôt un premier assaut, et il s’en faut de peu que la ville ne soit prise. Mais, avec prudence, il va attendre le 18 février et l’arrivée des renforts et des canons venus de Paris, pour repartir à l’assaut. Hélas, le soir même de ce 18 février, alors qu’il revient d’une tournée d’inspection, il va être traitreusement assassiné par le huguenot Poltrot de Méré, cet évènement désorganisant totalement l’armée royale, et mettant pour un temps fin à l’attaque d’Orléans. Poltrot de Méré avouera immédiatement qu’il a agi sur ordre de l’amiral de Coligny.



Jean Poltot de Méré, 1537-1563


La courtoise des relations fera que la femme du prince de Condé, Elisabeth de Roye, celle qui l’avait converti à la religion nouvelle, pouvait communiquer quotidiennement avec son mari. Gardienne attentionnée du connétable de Montmorency son oncle, à qui il avait été confié, elle le soignait avec efficacité de ses blessures, et n’était pas insensible aux propos de paix que le Connétable devait lui tenir quotidiennement, propos qu’elle ne manquait pas de faire passer à son mari à Amboise. Si bien, qu’on pourra la considérer certainement comme l’instigatrice de la première rencontre entre le prince de Condé et le Connétable de Montmorency dans l’Ile aux Bœufs en vue de rechercher une paix. C’est elle qui après une entrevue avec Catherine de Médicis le 2 mars, va choisir l’Ile aux bœufs20 comme lieu de leur rencontre.



Eléonore de Roye, Princesse de Condé: 1535-1564


Si d’un côté la négociation, la recherche de la paix, et son retour à l’obéissance royale motivaient sincèrement Condé, ce dernier était aussi particulièrement embarrassé, car il ne pouvait oublier être lié par le traité d’Hampton Court avec la reine Elisabeth Ière, même s’il n’avait jamais ratifié ces engagements pris en son nom, qui l’obligeait à être loyal envers la couronne d’Angleterre, quand à présent son intention était d’être, lui le prince du sang, un loyal sujet de la couronne de France. Il ne méconnaissait pas non plus, qu’auprès de Catherine de Médicis, il y avait l’ambassadeur d’Angleterre Thomas Smith, celui que l’on va retrouver plus tard à Moret, au fait de tous les tenants du traité d’Hampton court et en possession des minutes du traité. Alors que les pourparlers de paix s’engageaient, Trockmorton, parvint à s’échapper du contrôle de Catherine de Médicis et regagna l’Angleterre laissant à Smith21 et Myddlemore22 le soin des négociations avec les protestants comme avec la reine mère. Celle-ci décidera tant sa volonté d’arriver à la paix était forte de s’engager elle-même dans ces négociations dès le 8 mars. Mais cet évènement tragique de la mort du duc de Guise le 8 au matin, en levant bien des interdits, va permettre à ces négociations de s’accélérer et d’aboutir



La paix de l’Ile aux bœufs, 12 mars 1563


Entre le 12 mars 1563 et le traité de ‘l’Ile aux bœufs’ signé entre Montmorency et Condé, qui va leur permettre d’être libérés et la signature le 19 mars de l’édit d’Amboise, qui en est la confirmation, et sa promulgation, Condé va loyalement tenir la reine d’Angleterre informée des négociations en cours et aussi de la paix enfin trouvée, par ses deux lettres à la reine du 8 et du 17 mars, comme par une lettre intermédiaire à son ambassadeur Smith du 11 mars, qui sont des lettres que seul un Prince du sang royal de France peut écrire à une souveraine d’Angleterre et à son ambassadeur. La lettre23 du 17 mars suivant l’accord trouvé avec le Connétable le 12 mars, va rappeler, non sans habileté, que le secours donné en argent et en hommes aux réformés français, était avant tous destinés à aider le jeune roi de France dans son autorité dans son royaume… !! La paix d’Amboise, ou Edit d’Amboise qui met fin à la première guerre civile est signée ce 19 mars à Amboise par Louis de Condé pour les protestants et par Anne de Montmorency pour les catholiques. Elle va amnistier légalement la totalité des crimes et les forfaits, y compris les plus odieux, qui étaient principalement le fait des protestants, comme en particulier ceux de Tanneguy des Porcelets à Beaucaire, où Damville devra écrire à la reine mère spécialement, pour contester cette mesure.

En tout cas, la paix d’Amboise marque la fin de la première guerre de religion. Elle sera le début de la plus longue période de paix de ces guerres, laissant le pays en paix plus de 4 ans. Mais…. les anglais occupent toujours Le Havre et le chantage d’Elisabeth 1ère sur Calais reste toujours le centre de la politique et anglaise et enfin française.



La ville de Caen en 1560


Coligny parti de Caen le 14, arrive 4 jours plus tard à Orléans après avoir pris la quasi-totalité de la Normandie. L’amiral qui avait été tenu à l’écart des négociations de l’Ile au Bœuf, se joint à la fureur des habitants d’Orléans qui vont saccager toute la ville, toutes ses églises à l’exception de la seule église Sainte Croix, qui servait aux reitres pour y mettre leur bagage, et le 28 Bèze y organisera une « Cène » où 5 à 6.000 personnes vont assister, mais l’un comme l’autre devront accepter cette paix d’Amboise. Le Prince de Condé savait que Gaspard de Coligny était fondamentalement hostile à tout rapprochement avec les catholiques, cela ne l’avait pas empêché non seulement de l’évolution des négociations au jour le jour, mais surtout il lui avait fait remettre les articles qui vont constituer la paix. Middlemore confirme dans les State papers, que les ayant reçu le 16 il les fera transmettre aussitôt à la reine Elisabeth24 avec un courrier très déférent.



Armoiries de Thomas Middlemore


S’il en était besoin, on voit qu’à l’exception du seul prince de Condé, le conseil des protestants de France, et Coligny à leur tête se distinguaient de la noblesse huguenote des provinces, en montrant davantage d’inclinaison envers l’Angleterre réformée et sa reine Elisabeth Iére, qu’envers leur devoir d’obéissance au roi de France. Cette attitude de Coligny fera d’ailleurs dire à Smith l’ambassadeur d’Angleterre et surtout lui faire écrire dans une de ses lettres à d’Andelot25 : « …, que Poltrot les ayant accusés de complicité, l’amiral et lui dans le meurtre du duc de Guise, ‘un jour viendra où Coligny et lui seront assassinés comme une juste revanche du meurtre du duc’ »


Ce sera le 1er avril que la Reine mère, son fils Charles à ses côtés, va faire son entrée solennelle à Orléans, autour d’elle le cardinal de Bourbon, le Prince de Condé, le connétable de Montmorency et le duc de Montpensier, montrant fièrement ce qu’elle souhaitait et attendait depuis si longtemps, qu’elle s’était enfin soustrait à l’influence et l’entourage des Lorrains, et faisait triompher le parti des modérés, ceux qu’on appellera ‘les politiques’.

Le Prince de Condé restera à Orléans, le Connétable de Montmorency s’en retournera à Chantilly, et la reine mère ira prendre quelques jours de repos à Chenonceaux.


Saint Ange, avril 2021



NOTES


Note 1: De ce jour inauguré par le talent de la reine Elisabeth 1ère, et jusqu’à encore aujourd’hui, « diviser les

pays européens pour régner sur l’Europe » sera depuis donc le règne d’Elisabeth 1ère la constante du régime anglais et de la politique anglaise.

Note 2: De Thou, Ch.33 - p.327

Note 3: Hector de La Ferrière, Lettre de Catherine de Médicis T.I, p. 403

Note 4: Froude, histoire of England, T. VII, p 420

Note 5: Antoine de Bourbon, né le 22 avril au château de la Fère, ainé de la branche cadette des Bourbon

Vendôme, roi de Navarre par son mariage avec Jeanne d'Albret, à la différence de son cadet Louis de Condé le premier grand chef des protestants, il hésitera toute sa vie entre catholicisme et protestantisme, et se décidera in fine pour le catholicisme et ce malgré son mariage avec la très huguenote Jeanne d’Albret, qui le fera Roi de Navarre et père du futur Henri IV. Blessé lors du siège de Rouen, il va mourir de ses blessures quelques jours plus tard, après que la ville soit revenue à l’obéissance du roi, Premier prince du sang il manifestait son soutien au triumvir depuis le 22 mars décision qu’il avait prise lors de la messe de ce dimanche des rameaux

Note 6 : Calendar of state papers 1562, p.345 et 374

Note 6-2: La reine Elisabeth 1ère à Throckmorton, le 14 décembre 1562 ::

For tour further information, wo send to you the copye of the articles concerning our possession of

Newhaven, as we have them signed ans sealed by the prynce od Condé. Whereuppon ye maye, as you see can, use the matter towards the Prince, alleyng that we meane not to utter the same to any person to do hym or his any dammage, but because he sameth to take hold of the words of our protestation wich be generall, and doo conteyne suffisant matter for us to demand CALLAIS….. If they shall think that there shall be any blott in them, that by by there meanes we shall recover CALLAIS, they may so use the matter as it may be delivered to us by order of justice…..

Pour plus ample informé, nous vous envoyons copie des articles qui concernent notre possession du Havre, tels que nous les avons signés et scellés par le Prince de Condé. La dessus, vous pouvez, si vous en voyez la possibilité, toucher ce point avec le Prince, lui disant que nous ne voulons les faire connaitre à personne, pour lui faire aucun dommage à lui ou à son parti, mais parce qu’il semble s’attacher aux termes de notre protestations, qui sont généraux et contiennent un fond suffisant pour nous de demander Calais…… S’ils pensent qu’en s’infligeront une tâche en nous aidant directement à recouvrer Calais, ils peuvent arranger cela de manière que cette ville de Calais nous soit rendue par sentence de justice….

Calendar of state papers , minute - 1562,

Note 7: Mémoire de Condé, éd.1743, T.IV – p. 41 (cette lettre ne figure pas dans la correspondance de

Catherine de Médicis donnée par La Ferrière pas plus que la lettre adressée le même jour à son ambassadeur en Espagne, Mr de Chantonnay, où elle ajoute que le siège touche à sa fin. Arch. Nat. - Collection Simancas: K. 1500, B.17

Note 8: Francis Decrue, Anne de Montmorency 1889 Plon, p.345 et 346

Note 9: Johann Philipp von Salm, appelé communément Le Rhingrave 1520-1566, grand militaire de son temps,

capitaine de Lansquenets, commandant pour argent des contingents de reitres allemands qui, quoique

protestant luthérien, se battra au service du roi de France dans de nombreux combats, dont la prise de Rouen. Il trouvera la mort à la bataille de Moncontour en 1569

Note 10: Lettre d’Andelot à son frère l’amiral de Coligny 25 septembre 1562 et De Thou T.III, ch. xxxiii, p 355

Note 11: De Thou, tome III, ch xxxiii, p. 356 et 357

Note 12: Antoine de Croÿ, prince de Porcien, 1539-1567 épousera une cadette de la maison de Clèves qui lui

permettra la création d’une principauté stratégique à la frontière de la France

Note 13 : La Ferrière, lettres de Catherine de Médicis T.I, p.452

Note 14 : Duc d’Aumale, les Princes de Condé, T.I- p. 195

Note 15: Depuis cette bataille de Dreux, et jusqu’à la Révolution le curé de Saint Pierre de Dreux organisera une

procession solennelle en souvenir de cette sanglante bataille

Note 16 : Il est extrêmement rare dans l’histoire de France, qu’un roi écrire lui-même le récit d’une bataille,

aussi, permettons nous de vous donner cette pièce :

Lettre du roi Charles IX à Monsieur de Saint Sulpice aujourd’hui classée à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg.

Monsieur de Saint Sulpice,

Par Luthaire que je vous dépêchais, il y a peu de jours, je vous avertis comme mon armée s’était mise en marche à suivre celle de mon cousin le prince de Condé qui est partie de devant cette ville, tirant en Normandie, où elle alla si avant qu’elle était jà à Nogent-le-Rotrou, qui est près de la rivière de l’Eure, qui va en Normandie, laquelle gagnant ils pourraient avoir moyen de joindre avec les anglais avant que mon armée eut moyen de les en empêcher, ce que apprenant mes cousins les ducs de Guise et de Montmorency se délibérèrent de gagner le passage de ladite rivière, et de fait le vendredi 19 de ce mois ils arrivèrent à Mazence-en-Perche, village sur la dite rivière, où étant, sachant que le prince était encore à Trois lieues, délibérèrent passer la nuit sans sonner trompettes ni tambours, afin qu’ils puissent être de là levés avant que les ennemis eussent aucun avertissement de leur arrivée, ce qui eut lieu en toute diligence, et à une lieue de là ils commencèrent à ouïr les tambourins de l’armée du Prince et la reconnurent et marchèrent droit à eux, lesquels après qu’ils eurent délibéré ce qu’ils feraient, ils se résolurent à se mettre en bataille et marcher droit à eux par la belle plaine pour les combattre s’ils les trouvaient au lieu où ils leur donnassent le moyen, et comme il était ordonné à chacun des capitaines ce qu’il aurait à faire, ils se mirent l’avant-garde et la bataille d’un même front et marchèrent les deux armées droit l’une à l’autre, où était notre armée; Arrivés auprès d’un petit village, ils firent halte et commencèrent à tourner pour lettre ce village à leur flanc. Notre artillerie leur tira six ou sept volées, cela fait ils firent marcher leur cavalerie en quatre ou cinq gros escadrons de Français, et revinrent droit à la bataille où commandait mon cousin le Connétable, lequel ils attaquèrent de telle furie, que mon cousin y fut jeté par terre, son cheval tué, et lui pris, comme il eut beaucoup d’autres gentilshommes tués en cette charge qui fut bien lourde, et comme ils combattaient avec une grande obstination, tant que gendarmes que les suisses, ils furent trois fois rompus et trois fois se rallièrent, et mon cousin le duc de Guise s’avança avec l’avant-garde et commença à leur gagner le flanc avec sa cavalerie et une bonne troupe d’arquebusiers français et espagnols avec lesquelles troupes il fit une telle charge qu’il leur rompit un gros escadron de mille ou douze cents et de cette même fois emporta toute la tête de leurs lansquenets, de façon que s’étant les troupes qui avaient donné la bataille retournées sur ces entrefaites, il y eut un grand et furieux combat qui ne dura pas moins de trois ou quatre heures où il fut tué plus de deux milles reîtres et de sept à huit mille hommes de pied des leurs, et le Prince de Condé fut pris, s’étant l’amiral et d’Andelot sauvés avec huit ou neuf cents chevaux et mon dit cousin le Connétable qu’ils ont emmené prisonnier. Et montra bien mon cousin le duc de Guise qu’il était grand et expérimenté capitaine, car sans sa prudence la bataille eut été complètement gagnée pour eux. En ce combat a été tué mon cousin le maréchal de Saint André après avoir fait une grande preuve de valeur, qui m’est une grande perte pour m’être un grand et digne serviteur ; il y est mort aussi le sr de La Brosse et de Givry et de Montbron, l’un des enfants de monsieur le Connétable. Maintenant mon cousin le duc de Guise est après à suivre la victoire afin de regarder tous les moyens qui seront possibles pour les exterminer ; de quoi, je n’ai voulu faillir vous avertir en telle diligence pour en faire incontinent part au roi mon bon frère et à la reine ma sœur, m’assurant qu’ils participeront à l’aise, plaisir et contentement que je reçois d’une si bonne et heureuse fortune, laquelle, j’espère mettra fin à tous nos maux et calamités de ce royaume. Le surplus vous entendrez de ce porteur, ce qui m’empêchera de vous en dire davantage.

Priant Dieu, Monsieur de Saint Sulpice, vous avoir en sa sainte et digne garde

Du Bois de Vincennes, le 23 jour de décembre 1562

La minute de cette lettre se trouve aussi à la bibliothèque nationale, Fonds français, n° 15877, f° 422

Note 17: Le duc de Guise, ayant déjà reçu le gouvernement de Picardie, sur la prière des principaux seigneurs et capitaines de l’armée, obtint la ‘grande maitrise’, au grand mécontentement du Connétable de Montmorency, prisonnier à Orléans. In : Mémoires de Condé, édition de 1743, p.149

Note 18 : Instructions à Damville pour la garde de Condé : B.N. Fonds français, n°3194, f°2

Le roi veut et entend que les compagnies d’hommes d’armes de M. le Connétable, de M. l’amiral de Damville et sieur de Thoré, ensemble celles des gens de pied du capitaine Nancey et capitaine Goart, seront installées pour la garde dudit sieur Prince; Que la garde se fera tant jour que nuit…., Qu’il couchera en la chambre du Prince deux de ses valets de chambre auxquels avec le reste de ses gens, il pourra communiquer et parler à l’oreille…faisant au reste si bonne garde autour du Prince, qu’il n’en puisse arriver aucun inconvénient

Note19 : « Etant venue jusqu’ici pour voir et entendre aux choses nécessaires au bien de ce royaume et pour essayer de tirer tout le fruit qu’il serait possible de la victoire qu’il a plu à Dieu nous donner, j’ai trouvé qu’elle a porté déjà tant d’utilité que tout le pays de ça la rivière de Loire se trouve quasi nettoyé de ceux qui la troublaient…. Davantage, je trouve mon cousin le prince de Condé tellement disposé de s’accommoder à la volonté de roi monsieur mon fils ….

Priant Dieu, Messieurs, vous donner ce que vous désirez.

Catherine » B.N., Parlement, n°84, f°869 6 janvier 1563

Note 20: Comte Jules Delaborde,Vie d’Eléonore de Roye,ch.9 – Paris 1876

Note 21 Thomas Smith personnage essentiel issu de la meilleure noblesse d‘Essex, élevé à Cambridge, puis envoyé ensuite au frais du roi dans les universités d’Italie, devenu secrétaire du roi Edouard VI, disgracié par la reine Marie, puis revenu aux affaires par la reine Elisabeth, c’était le « wise and learned man », qu’elle avait conforté dans sa fonction en l’assistant de sir Harry Myddlemore

Note 22: Myddlemore, ancien serviteur de TRockmorton, accrédité auprès des chefs huguenots le 2 février 1563, homme des négociation secrètes, il va jouer un rôle majeur quand Throckmorton se retrouvera prisonnier et enfermé à Saint Germain-en-Laye au soir de la bataille de Dreux

Note 23: Ne pouvant donner ici l’intégralité de ces 3 lettres, ce qui serait trop long, nous ne donnons intégralement que celle du 17 mars. Celle du 8 mars anticipait par ces mots: «Tout ainsi que j’ai toujours singulièrement désiré être trouvé aussi véritable en mes effets comme mes paroles…. Aussi désirant que mes actions rendissent un clair et ouvert témoignage de l’intérieur de mon cœur… », celle du 11 Mars à Smith lui confirmant que d’Andelot était mandaté de l’informer en temps réel des progrès de négociations, mais surtout que la mort du duc de Guise changeait totalement les choses, « Mais depuis qu’il a plus à Dieu appeler le feu seigneur de Guise, duquel je ne veux qu’en toute sobriété, modestement parler, il sembla que toutes les difficultés et doutes eussent avec sa vie pris fin…. »

‘ Madame

Je crois que vous aurez de cette heure, reçu la lettre que je vous ai dernièrement écrite, et par icelle entendu les préparatifs qui se dressaient pour la pacification de ces troubles, et pour que ce commencement a été fort vivement poursuivi par la Reine, comme chose à quoi S.M. ne pouvait assez tôt à son gré voir une fin heureuse et plus désirée, je n’ai voulu faillir, suivant ma promesse, d’avertir incontinent la vôtre, comme ayant été pressé d’y vaquer et ne m’étant honnêtement licite de refuser à y entendre, ou retarder l’effet d’une tant sainte et nécessaire négociation, nous avons résolu sur le point de la religion le contenu aux articles que je vous ai envoyés, par le bénéfice desquels la pure foi est sans violence tellement enracinée en ce royaume, que si la malice des hommes ne s’oppose à la bonté de Dieu, nous espérons que, en peu de temps, chacun verra l’accroissement du fruit qui en proviendra à son honneur et gloire et au repos et sureté des consciences et biens de tous les pauvres sujets de la France. Et déjà, Madame, je vous puis bien assurer que pour la jouissance d’un si grand bien, nous craignons plus tôt avoir, faute de ministres pour le distribuer, que des lieux et endroits pour le recevoir, mais d’autant que ordinairement ce grand Dieu suscite des moissonneurs selon que la moisson est grande, aussi nous nous assurons tout sur sa providence, et sur ce qu’il saura bien pourvoir à tout. Et combien que la principale occasion qui nous a fait prendre les armes est maintenant levée, si est-ce que nous avons toujours fait l’arrêt de tout le négoce jusques à l’arrivée de Monseigneur l’Amiral, ayant supplié la Reine ne trouver mauvais si, sans le consentement de lui et des seigneurs qui sont de sa compagnie, nous ne pouvons rien accepter ni conclure, auquel temps j’ai remis à parler ce qui touche le bien de vos affaires particulières, n’ayant toutefois oublié cependant d’en entamer et ouvrir quelque propos à S. M., et principalement de l’obligation que je ressentais de la faveur et du secours que vous avez tant libéralement conféré pour la conservation de l’état et l’autorité du roi son fils, votre bon frère, qui n’est seulement que pour aplanir le chemin, et rendre d’une part et d’autre les choses difficiles ainsi plus aisées et faciles, d’autant que, ayant communiqué avec lui, qui entend très-bien ce qui sainement en cela se peut faire, tous ensemble, nous tenions la main, en ce que la fidélité de notre devoir le pourra permettre, de conseiller à V. M., ce qui se devra légitimement octroyer, où de ma part, je vous supplie très-humblement, Madame, d’estimer que je n’omettrai chose en quoi consciencieusement je me puisse employer, et qui peut attendre d’un loyal sujet à son Roi, et à vous Madame, très affectionné serviteur. »

Note 24: Coligny va même écrire de Brou le 21 mars à la reine Elisabeth: « J’ai reçu cejourd’hui une lettre de M. le Prince de Condé par laquelle il m’avertit comment toutes choses sont conduites et arrêtées pour la pacification des troubles de ce royaume, sinon qu’il reste de prendre une résolution sur ce qui touche votre fait, puis aussi de l’autorité qu’il aura, et quant au contenu des articles de ce traité, il ne m’échoit vous en dire autre chose, Madame, sinon qu’ils sont à peu près suivant ceux desquels je vous ai envoyé une copié par le sr du Chastelier . Je n’ai voulu faillir vous faire la présente pour supplier très humblement V.M. de croire que, quand on sera sur la délibération de ce qui touche votre fait, laquelle on me mande avoir été remise et différée jusqu’à ce que je me trouve au Conseil où l’on avisera de ce point, je ne faudrais point de ‘acquitter de mon devoir suivant la promesse que j’ai faite à V.M.

Record office, Calendar of state papers France 1563, & dépêche de Middlemore à Elisabeth 1563, p.244

Note 25: Ibid : dépêche de Middlemore à Elisabeth 1563, p.244
















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