Le traité de Cateau-Cambresis du 3 avril 1559 était aussi clair que formel: La date d’échéance de l’accord sur Calais était 8 ans plus tard, soit au soir du 3 avril 1567. L’accord du 11 avril 1564 de Troyes, n’est considéré par la reine d’Angleterre, que comme un accord de libération des otages attaché à l’accord sur Calais de 1567, mais surtout et seulement pourrait-on dire, un accord de paix entre la France et le royaume d’Angleterre telle qu’elle avait été promulguée à Paris en avril, puis à Windsor en octobre 1564. Par contre, pour la France, pour la reine mère les accords de Troyes, avaient définitivement entérinés ceux de Cateau-Cambrésis, dès lors où l’Angleterre par son envoi de troupes à Rouen et surtout la prise et l’occupation du Havre de Grâce….., tombait sous la clause prévue dans le traité : « Que s’il arrivait que la guerre se renouvelât, par la faute d’une des deux parties, celle qui serait cause de la guerre, serait déchue de tous les droits que le traité lui donnait, et que l’autre ne serait plus obligé à en tenir les conditions ».
En ce début de 1567, l’union des catholiques et des protestants scellée par le traité d’Amboise et confortée par le ‘Grand Tour de France’, commence à donner des signes de craquements: On voit le vieux connétable de Montmorency se détacher de la manière la plus complète de ses neveux huguenots Chatillon, totalement acquis et dévoués au Prince de Condé, lequel avait ouvert une trop forte rivalité à son égard. On sent que les Huguenots avec une nouvelle hardiesse vont jusqu’à rechercher, du moins espérer une guerre étrangère. Un faux pas de la Reine mère, ce qui lui était pourtant inhabituel, va vexer le vieux connétable, qui décide de quitter la Cour et le Conseil, emmenant avec lui ses fils, pour se retirer à Chantilly, dans une profonde bouderie.

Toutefois, ce qui va dominer, c’est que Catherine de Médicis, tout ce mois de janvier 1567 alors à Paris, va être dans l’inquiétude des deux menaces de l’extérieur qui pesaient sur le royaume au bord à nouveau de la division religieuse et des personnes à l’intérieur.
Pie V- pape de 1566 à 1572 Philippe II, roi d’Espagne Maximilien II de Habsbourg
canonisé en 1712 Empereur du Saint Empire
& Archiduc d’Autriche
L’Espagne, que la reine mère avait par trop ménagée lors de l’entrevue de Bayonne, devenait menaçante, comme l’en informait chaque jour son ambassadeur Fourquevaux: le roi Philippe II, semblant vouloir envoyer les forces armées espagnoles vers les Pays Bas en leur faisant traverser la France, ce qui la dévasterait. Pour l’espagnol, traverser la France c’était un dû, en considération unilatérale de ses soutiens passés, en particulier ses envois de contingents militaires venus se battre aux côtés de l’armée royale comme à Dreux ou au Havre.
Catherine de Médicis Charles IX Elisabeth Ière
L’Angleterre semblait elle-aussi menaçante, non pas tant par l’affaire de Calais, mais indirectement par la pression mise sur les affaires d’Ecosse, où la situation s’était aggravée dès juillet 1566. Charles IX avait été obligé d’écrire le 8 mars (°1) depuis Fontainebleau à Elisabeth 1ère, pour bien montrer qu’il ne recherchait que la paix et l’amitié avec elle. Cette menace, l’Angleterre la manifestait avec la constitution d’une nouvelle flotte importante, juste crée par Elisabeth Ière et qu’elle faisait naviguer dans la Manche face à la France.

Aussi ces tensions qui semblaient s’établir vont pousser l’expérimentée florentine à immédiatement lancer un recrutement de 6.000 mercenaires suisses et, à la mi-mars, à ordonner depuis Fontainebleau des instructions d’observation et de prudence à son commandant au nom du roi de la place de Calais, le capitaine Argosse:
« Au Capitaine Argosse, (°2)
Capitaine Argosse, vous verrez ce que le roi monsieur mon fils vous écrit pour ne permette qu’aucun italien ni autre étranger de quelque nation qu’ils soient, puisse se retirer et habiter en sa ville de Calais, pour ce que, étant place de frontière si enviée, il nous faut là-dedans que des français naturels ; à quoi vous donnerez l’ordre que le roi mon dit seigneur et fils vous mande par sa lettre et aurez l’œil si ouvert sur ceux qui viendront là-dedans, qu’il ne vous en puisse être rien celé ni déguisé, et n’ayant accointance et intelligence avec aucun des habitants de ladite ville que vous n’en sachiez la vérité.
Priant Dieu, capitaine Argosse, qu’il vous ait en sa bonne garde.
XXIème jour de mars 1567 »

Non sans une certaine insouciance, la reine mère, le roi et la Cour avaient quitté Paris, pour séjourner en cette fin février et jusqu’au de-là de la mi-avril, à Fontainebleau, pour cette belle période de la saison de la chasse, qui les emmèneraient quotidiennement courir le cerf alors le plus souvent à partir de Moret jusqu’à Villecerf, village qui pour cela portait bien son nom, et Dormelles ou de l’autre côté vers Arbonne et Barbizon. La chasse était bien sûr l’activité quotidienne et majeure, sinon la raison même, de ces séjours de Fontainebleau. Mais, cet agréable moment va être troublé, par un nouveau courrier du capitaine Argosse, qui avait été immédiatement rédigé et envoyé dès l’arrivée à Calais (°3) d’émissaires anglais venus se présenter à lui.

Le capitaine Argosse écrivait à Charles IX en date de ce premier avril 1567 :
« L’ambassadeur duquel j’avais averti Votre Majesté qui vous devait venir demander Calais, vient d’arriver, lequel se nomme Smith, ensemble le vice-amiral qui se nomme Winter2, auxquels je n’ai parlé pas encore. Mais j’ai parlé à quelques français qui sont arrivés avec eux, même aux laquais de l’ambassadeur, lequel a apporté un paquet adressant à Votre Majesté, par lequel je crois que vous serez averti de toutes choses, lesquels m’ont dit qu’il y avait deux cents navires hors et que ils virent hier sortir le nombre de cinquante ; mais je supplierai Votre Majesté croire que j’y userai d’un tel soin et vigilance que, avec l’aide de Dieu, il n’y adviendra point de faute… »
Le capitaine Argosse, ce gouverneur établi à Calais dès la signature de la paix définitive avec Elisabeth Ière en avril 1565, informait le roi que le sieur Smith, fin connaisseur des affaires françaises pour avoir séjourné de nombreuses années à la Cour comme ambassadeur de la reine Elisabeth, venait de débarquer dans sa ville avec sa suite mais surtout ayant auprès de lui l’amiral Winter, pour lui faire ‘officiellement’ les représentations de restituer Calais à la couronne d’Angleterre.
Le capitaine Argosse, n’avait bien sûr pas souscrit à l’injonction anglaise, se retranchant devant l’incompétence que lui donnait la fonction. Il avait en conclusion recommandé à Smith d’aller rencontrer le Roi et la reine mère, là où ils se trouveraient. Smith s’était mis aussitôt en route vers Paris. 8 jours plus tard, Argosse recevait la lettre du 9 avril de la reine mère écrite depuis Fontainebleau :
« Capitaine Argosse
Le roi monsieur mon fils a été bien aise que vos anglais soient départis de Calais, et que vous ayez usé à leur endroit de tout l’honnête traitement qui vous été possible, convenable à l’amitié qui est entre nous et la reine d’Angleterre que nous désirons conserver, et pour ce que vous verrez de la lettre du roi mon dit seigneur et fils quelle est son intention sur le fait du grossissement de la garnison dudit Calais, dont vous lui avez écrit et l’ordre qu’il a fait donner pour remettre en état l’artillerie de ladite place, je vous en ferai d’autre redite ni la présente plus longue que de prier Dieu, qu’il vous ait en sa sainte garde »
Ne sachant pas ni où ni comment organiser la réception des anglais, et compte tenu des disponibilités de son fils, elle pense alors, avec bien du bon sens, que Moret, ville royale, serait certainement le lieu le plus propice pour tenir une conférence avec eux, venus sur seul mandat de leur reine. Fontainebleau aurait été un lieu officiel, donnant trop d’importance à cette affaire, que la reine mère ne voulait pas porter trop haut, d’autant qu’elle ne comprenait pas encore bien encore le sens de cette surprenante démarche anglaise.
Comme il allait s’agir de Calais, elle voulait avoir près d’elle tous les acteurs du traité signé à Troyes deux ans plus tôt, et en particulier la présence du connétable de Montmorency, le plus expérimenté des connaisseurs de l’historique des acteurs et de cette problématique. Mais depuis le mois de janvier, le vieux Connétable avait donc quitté la Cour avec ses trois fils, et s’était retranché dans son « donjon » de Chantilly, où il affectait de montrer ostensiblement qu’il était retenu lourdement malade chez lui. Il fera dire qu’il était dans l’incapacité d’entreprendre un voyage, même court.
En attendant et pour ne pas être surprise par un coup de force anglais sur Calais, toujours probable, en raison de la menace de la flotte, elle va écrire le 11 avril à Monsieur de Gourdan, qu’elle avait détaché en renfort auprès du capitaine Argosse :
« Monsieur de Gourdan, je n’ai rien à ajouter à la lettre que vous écrit le Roi, monsieur mon fils, mais je vous direz bien que quand il saura que vous serez arrivés à Calais, il en sera bien aise et en demeurera d’autant en plus grand repos pour s’assurer qu’il n’y saurait avoir un plus soigneux et clairvoyant compagnon et capitaine que vous.
A votre arrivée à Calais, vous me ferez savoir des nouvelles de toutes choses et aurez l’œil sur les bandes qui sont là-dedans, et qu’elles soient complètes et pleines de bons soldats, chose qui touche tant à la sureté de la place et à votre honneur que je m’assure que vous ne vous y endormirez pas. »
Les courriers et messagers feront la navette sans interruption de Londres comme de Fontainebleau où se trouvent le roi, Catherine de Médicis et la Cour, vers les envoyés anglais du départ de Calais, au long de la route vers Paris puis en direction de Fontainebleau vers Moret où les dernières instructions de la reine mère les avaient invité. La reine mère ne veut en aucun cas, qu’ils soient reçus trop rapidement, et en tous cas pas avant qu’elle n’ait organisé tout le contrôle d’une telle situation. Aussi, dès le lendemain mercredi 12 avril, elle va écrire une première lettre envoyée par un messager spécial au Connétable de Montmorency
« Mon compère, j’ai entendu que vous êtes encore trouvé mal; qui est cause que je vous envoye ce porteur pour savoir de vos nouvelles, et espère que votre mal est venu à cause de l’église est passé, aussi vous vous porterez bien, et partirez pour trouver le roi mon fils, comme il vous en a prié et moi bien fort. Car Smith, que la reine d’Angleterre envoie au roi mondit fils doit arriver demain à Moret, et ne peut de lui donner audience, sans que vous y soyez, il est délibéré d’aller dimanche (le dimanche 16) jusqu’à Nemours, espérant que vous y serez ici mardi (18) ou mercredi(19), qui fait son conte y revenir, et a donné l’ordre que, en passant par Paris, l’on vous paye votre quartier (°4), mon cousin que le maréchal de Cossé vous mandera, qui me gardera vous faire plus longue lettre, et prié Dieu vous donner, très bonne santé et la puissance d’être bientôt ici
Votre bonne commère et amie,
Catherine, »
Ayant compris que le connétable ne voulait toujours pas quitter Chantilly, elle lui écrit à nouveau le 16 avril
« Mon compère,
Voyant votre maladie et désirant le roi mon fils que coyés ci quand simi parlera, y est résolu d’aller jusqu’ à Montceau et ne sera de retour ici que lundi prochain (donc le lundi 17 avril), j’espère que lors serez si sain que nous arriverons tous ensemble :
C’est que je prie Dieu et me remettre sur la suffisance de sieur de Sause pour toutes nos nouvelles »
Lettre qu’elle va faire suivre, pour bien lui faire comprendre combien il est indispensable, et qu’elle fera attendre les anglais le temps qu’il faudra pour être sûr de sa présence à Moret : « Smith doit arriver demain à Moret, et de peur de lui donner audience sans que vous y soyez, j’ai délibéré aller dimanche jusqu’à Nemours »
Thomas Smith, ambassadeur d’Angleterre Amiral Guillaume Winter
Déjà prévenus par Argosse et par différents courriers, Smith et Winter vont aller en direction de Paris, retrouver l’ambassadeur d’Angleterre en France sir Henry Norris, qui est de jure, le premier responsable d’une telle mission. Ils croyaient y trouver le roi et sa mère. En cour de route ils vont apprendre qu’il n’en est rien, et par messagers interposés, qui vont fixer au fur et à mesure de nouvelles instructions, ils vont alors gagner la ville royale de Moret, où Catherine de Médicis leur fixera un lieu de rendez-vous. Smith connaissait la ville de Moret pour y avoir bien souvent suivi les chasses royales. Il va gagner le château, et s’y installer. Très certainement la Reine mère avait déjà dû donner des instructions aux échevins morétains, de pourvoir à cette installation.
Catherine depuis Fontainebleau a eu le temps par les différentes informations qui ont pu lui parvenir et qu’elle a pu recouper, d’apprendre et de valider, que le seul levier sur lequel la reine Elisabeth pourra s’appuyer, utiliser et utilisera par la bouche de ses représentants, pour demander encore une fois le retour de Calais à l’Angleterre, sera une manœuvre tendant à impliquer la Couronne de France dans le dossier Ecossais, par le rôle que la France a ou aurait pu jouer en ce moment même dans les troubles et les actions entreprises par l’Ecosse à l’encontre de l’Angleterre. Depuis 1560 date de la mort de Marie de Guise, la régente d’Ecosse et mère de Marie Start et le Traité d’Edimbourg, la France avait fait revenir tous ses soldats et s’était interdit d’intervenir dans les questions de l’Ecosse: Ce n’était bien sur qu’essayer un habile contre - poids et tenter de faire oublier son action au Havre, qui rendait sur un vrai fond juridique, Calais à la France.

A peine arrivé avec sa suite à Moret, Smith s’empresse d’adresser d’abord une dépêche datée depuis le château à la reine Elisabeth, au travers de son ministre lord Cecil pour lui dire qu’il est bien arrivé, mais qu’il ne sait pas encore quand il pourra rencontrer le Roi et la Reine-Mère (°5), et ensuite ayant pris ses quartiers, il envoie à Catherine de Médicis une autre dépêche, datée: ‘Moret, le 17 avril 1567’, pour lui signifier qu’il est à sa disposition pour être reçu et débattre de la restitution de Calais à sa reine, la reine d’Angleterre. Cette dépêche sera remise quelques heures à peine plus tard. Bien sûr, Catherine de Médicis, fort habilement pour bien marquer l’autorité de la couronne, ne répondra pas elle-même à cette dépêche, mais par une réponse du jeune roi, aussi claire et lapidaire que ne l’avait été la requête de Smith, si l’on suit les ‘ states papers’ qui en donne une relation exhaustive et qui va précéder l’audience tenue dans l’église Notre Dame
« J’ai lieu de m’étonner d’une pareille demande ! Depuis longtemps ce conflit est définitivement réglé, et je pensais n’avoir à m’entretenir avec vous que de la bonne amitié qui existe entre nos deux couronnes. Je vais en délibérer avec ceux de mon conseil… »
Le 18, la mauvaise lui parvient, que la maladie du connétable est si lourde qu’il ne pourra la rejoindre à Moret dans un temps raisonnable. Elle pense qu’en se rendant à Chantilly elle pourra quand même le décider. Elle anticipe alors et confirme sa décision de rencontrer Smith, alors qu’elle vient d’apprendre que l’ambassadeur ordinaire d’Angleterre en France, le sieur Henri Norris va venir le rejoindre à Moret. Dans l’après-midi du 20, elle va dicter depuis la résidence du connétable, une lettre à l’attention de l‘ambassadeur anglais Henry Norris qui est donc arrivé à la résidence du château de Moret
« A sir Henry Norris, Ambassadeur d’Angleterre,
Monsieur l’ambassadeur, pour plus grande commodité, le roi, monsieur mon fils a advisé, s’en aller droit à Saint Maur, dont je n’ai voulu faillir de vous avertir, afin que vous acheminiez à Paris et le sieur Smith aussi, où vous serez mieux logez, et sitôt que je saurais que vous y serez, vous ferai savoir le temps que vous nous pourrez venir voir,
Priant Dieu, monsieur l’ambassadeur vous avoir en sa garde
Ecrit à Chantilly le XX° jour d’avril 1567 »
Ce sera donc non plus en petit comité comme à Troyes, mais cette fois entouré de tout l’appareil de la royauté, auquel elle avait demandé un soutien irréprochable, qu’elle invitera au nom du roi son fils, les anglais à une audience le 24 avril. Elle avait pour cela retrouvé le jeune roi à Saint Maur, pour bien le préparer à ce moment qu’elle savait essentiel. Elle s’était fait précéder du ‘Conseil du roi’ cet organe essentiel de sa volonté, groupant aussi bien le conseil privé qui dirigeait l’administration, la justice et les finances du royaume, que le conseil des affaires qui avait l’attribution des questions les plus importantes, en particulier celles liées à la politique étrangère du royaume, et en l’état Calais. Le Parlement et le chancelier de l’Hôpital s’étaient rendus à Moret pour ce 24 avril.

En ayant envoyé Smith à Moret, Catherine, avait voulu gagner du temps, car elle comptait sur la présence du connétable de Montmorency, le plus fin connaisseur de cette question de Calais. Mais ce dernier avait pu montrer ostensiblement qu’il était retenu lourdement malade chez lui à Chantilly, et en tout cas dans l’incapacité d’entreprendre un voyage, même court. La reine mère elle, ne souhaitait pas engager de discussions sans le secours et le soutien fidèle que lui apportait toujours le Connétable, avec l’autorité de ses fonctions et de son âge, mais surtout, la connaissance du dossier et des intervenants, car il avait été à ses côtés, depuis Amboise, tout au long des négociations conclues à Troyes, qui avaient fixé le retour de Calais à la couronne de France, retour qu’elle avait non sans raison, cru jusqu’à ce jour définitif.
Elle écrit donc le 16 avril au connétable pour bien lui faire comprendre combien il est indispensable, et qu’elle fera attendre les anglais le temps qu’il faudra pour être sûr de sa présence : « Smith doit arriver demain à Moret, et de peur de lui donner audience sans que vous y soyez, j’ai délibéré aller dimanche jusqu’à Nemours »

La raison pour laquelle la Reine mère décide à aller à Nemours et non à Moret directement, c’est qu’elle avait pris l’habitude, de partout où cela lui était possible, de coucher avec sa suite immédiate dans les couvents des villes où elle se rendait. Mais à cette époque il n’y pas encore de couvent à Moret, donc de couvent de femmes en particulier. Il faudra d’ailleurs pour cela, attendre l’année 1638, Jacqueline de Bueil la comtesse engagiste de Moret par la grâce du roi Henri IV et son second mari le marquis de Vardes, pour qu’un couvent de bénédictine y soit fondé, bien modestement à son début, car il se constituait alors d’un simple logement au sein duquel on avait édifié et béni une chapelle particulière, à partir de quoi l’année suivante, et sous la gouvernance de sa première supérieure l’abbesse Elisabeth Pidoux des terrains purent être acquis et un bâtiment construit qui prendra le nom de ‘Prieuré de Notre Dame-des-Anges’, et qui s’occupera principalement de l’éducation gratuite des jeunes filles de Moret.

La célébrité et l’aisance de ce couvent ne lui seront enfin acquises qu’un demi-siècle plus tard, par la générosité de madame de Maintenon, qui pensionnera le prieuré de 4 à 5.000 livres annuellement pendant toute la durée du voile de « la Mauresse (°6)».
La reine mère ira donc coucher à ‘l’abbaye de la Joie’, actuellement dans le village de Saint Pierre-les- Nemours, et qui était alors située dans la paroisse de Nemours, sur la rive gauche du Loing, l’abbaye bénédictine de Nemours. Cette abbaye avait été fondée dès 1231 par Philippe II de Nemours sous le nom de ‘Sainte Marie-lez-Nemours’. De cette abbaye il ne reste plus aujourd’hui que son porche et ses jardins sur lesquels sera construite l’actuelle maison de retraite de la ville.
La reine mère prend l’initiative le 20 avril depuis Chantilly, où elle a rendu visite au Connétable, pour s’assurer de sa santé, et le prier une nouvelle fois de l’accompagner à Moret. Lors de la fin de la visite de la reine mère, le connétable, qui avait quitté depuis janvier la Cour brutalement avec ses trois fils, à la suite d’une vexation que la reine-mère lui avait alors infligé, et depuis s’était retranché dans son donjon de Chantilly, va quand même lui faire entendre et non sans insistance qu’il souhaitait que lui soit enfin confirmé que sa charge puisse passer après lui à son fils François de Montmorency, ce qui l’établissait de plein droit au Conseil et ensuite que le don de 30.000 livres attribué par le roi depuis le retour de Calais à la France lui soit enfin payé. Etait- ce le prix que le vieux Connétable demandait pour suivre à nouveau la reine mère ? C’était ce qu’il avait en tout cas, prévu et organisé, mais cette fois rejoint par la maladie, il ne pourra malgré les satisfactions que la reine mère lui avait apportées, se mettre au Service. La reine peu rancunière, lui confirmera l’un et lui fera donner l’autre.
Anne Connétable de Montmorency François de Montmorency
Sachant par sa dépêche du 17 avril que Smith était bien arrivé à Moret, ce sera de Chantilly que la reine mère va habilement différer la date de l’entrevue demandée par un courrier du 20 avril à sir Norrys:
A sire Henry Norrys, ambassadeur d’Angleterre,
Monsieur l’ambassadeur, pour la plus grande commodité, le roi, monsieur mon fils a advisé, s’en aller droit à Saint Maur, dont je n’ai voulu faillir de vous avertir, afin que vous acheminiez à Paris et le sieur Smith aussi, où vous serez mieux logez, et sitôt que je saurais que vous y serez, vous ferai savoir le temps que vous nous pourrez venir voir,
Priant Dieu, monsieur l’ambassadeur vous avoir en sa garde
Ecrit à Chantilly le XX° jour d’avril 1567
Le jour n’est pas alors fixé, car le roi le faisait dépendre des chasses qu’il avait organisées à partir de sa résidence de Saint Maur. Mais pour la reine mère, qui voulait revenir par Paris et Montceaux, cette route n’était guère une difficulté pour l’infatigable cavalière qu’elle était restée, malgré son fort alourdissement. Le détour par Paris s’imposait, car en l’absence du Connétable, elle voulait s’assurer que la puissance de l’état serait bien à ses côtés à Moret, pour non seulement en imposer aux anglais mais aussi, pour leur témoigner que la parole royale, et celle que son fils aurait à prononcer étaient bien l’unanimité retrouvée de tous les français, qu’ils soient catholiques ou protestants.
Ce sera donc non plus en petit comité comme à Troyes, mais cette fois entouré, des princes du sang et des grands officiers de la Couronne, qu’elle invitera alors les anglais à une audience le 24 avril à Moret. Elle avait pour cela décidé de retrouver avant le jeune roi à Fontainebleau pour bien le préparer à ce moment qu’elle savait essentiel. De là, elle irait avec sa suite coucher à Nemours à l’abbaye de la Joye, le couvent de Moret n’ayant pas encore été fondé.
Elle avait pris soin, en étant à Paris, de se faire précéder à Moret du ‘Conseil du Roi’ cet organe essentiel de sa volonté, groupant aussi bien le conseil privé qui dirigeait l’administration, la justice et les finances du royaume, que le conseil des affaires qui avait l’attribution des questions les plus importantes, en particulier celles liées à la politique étrangère du royaume, en l’état la question de Calais.
Après une courte nuit de repos à Nemours, et comme en avril, le jour se lève tôt, elle pourra prendre la route de bonne heure pour faire les 4 lieues qui la séparait de Moret.
Il n’y avait à cette date jamais existé de salle municipale dans les communes de France, aussi c’était toujours l’église ou l’une des églises de la paroisse qui tenait lieu de salle commune, lorsque les habitants avaient besoin de se réunir, ce qui se produisait non seulement habituellement, mais généralement plusieurs fois pas an.
Informée de la taille exceptionnelle de l’évènement qui allait se produire, Les échevins et la municipalité n’auront que le temps en faisant appel a tous les menuisiers et charpentiers, de réaliser et d’organiser les estrades en bois sur lesquelles allaient tenir place et selon leur rang, le Roi, la Reine-mère, les princes du sang et les principaux personnages de la Cour, le Conseil et ceux du parlement , ce même Parlement qui avait édicté solennellement deux ans plus tôt ‘l’édit de Troyes .
C’est donc pour près d’une centaine de personnes, toutes de grande importance, que la ville de Moret avait du confectionner les estrades et qui leur permettraient de les faire siéger solennellement, habiller les murs dans une église ornée pour la circonstance de tapisseries.

Au matin de ce 24 avril 1567, les Parlementaires, Officiers de la Couronne, les Conseillers du Grand Conseil ayant pris chacun leur place dans l’église Notre Dame, vont se lever pour, préséance oblige, accueillir le roi Charles IX et Catherine de Médicis, accompagnés du chancelier Michel de l’Hôpital précédés de l’échevin et du Curé de Moret et de ses vicaires qui vont les conduire jusqu’à leur place ou des sièges protégés par des dais les attendaient, devant ceux des princes du sang et des grands officiers de la Couronnes.
Les Conseils eux avaient pris place dans un transept et les parlementaires dans l’autre. Deux sièges et des bancs avaient été installés dans la nef en vis-à-vis des Majestés, pour l’accueil des ambassadeurs et de la délégation anglaise.
Une fois le Roi et la reine mère assis, l’assemblée va à se rassoir, et à ce moment là précédés d’un héraut les annonçant à voix forte, la délégation anglaise, bien légère, face à ce nombre imposant, va entrer dans l’église Notre Dame, s’agenouiller d’abord devant le Grand Crucifix, puis une seconde fois face à eux, aux pieds du roi et de la reine mère, avant que de gagner leurs sièges. C’était le Royaume de France qui accueillait les anglais à Moret, un royaume auquel il ne manquait que le Connétable Anne de Montmorency.

Le Chancelier de l’Hôpital va ouvrir, par un propos liminaire cette conférence de Moret dans sa collégiale Notre Dame qui symbolisait très habilement par son histoire, toute l’histoire de la France capétienne depuis le moyen âge et le départ de Louis VII pour la seconde croisade à Pâques 1146 (°7), une histoire plus ancienne que celle du royaume d’Angleterre.
Descendus peu avant l’entrée royale, dès la requête du héraut d’armes, des chambres qu’ils occupaient au 1er étage du château, les anglais vont se lever et présenter dans la forme solennelle, comme c’était alors la coutume, le salut de leur souveraine, pour bien montrer qu’ils la représentaient officiellement. Avec courtoisie le jeune roi, par geste, laissera Smith prendre la parole en premier.
Sitôt les formules de courtoisie d’usage terminées, l’envoyé spécial de la Reine Elisabeth déclarera tout de go:
« L’amiral Winter et moi, nous sommes venus à Calais pour en réclamer la restitution et en prendre possession. N’ayant rencontré personne à qui parler, nous nous voyons obligés de soumettre notre requêtes à Vos Majestés ».
Smith développera ensuite, avec sa subtilité d’ambassadeur l’exigence souhaitée par la reine de se voir restituer Calais « chose juste et raisonnable (°8) »

La relation pourtant détaillée des ‘ State Paper’ ne dira pas si le roi si le roi s’était levé pour leur répondre, car dans son attitude de leur répondre debout, il montrait qu’il répondait officiellement à la souveraine d’Angleterre, ou s’il restait tout simplement assis, ce n’était que l’usage d’une réponse royale à des ambassadeurs.
La réponse royale sera tenue sans la moindre hésitation, bien préparée certainement dans sa concision et sa précision avec sa mère et le Chancelier:
« J’ai lieu de m’étonner d’une pareille demande ; Depuis longtemps ce conflit est définitivement réglé, et je pensais n’avoir à m’entretenir avec vous que de la bonne amitié qui existe entre nos deux couronnes. Je vais en délibérer avec ceux de mon conseil… » Avec de tels propos, l’audience était terminée.
La description de cette audience par l’ambassadeur Norris, est relatée dans le moindre détail dans les State Papers - France 1567:
« Le sieur de Smith, envoyé de la reine d’Angleterre, accompagné du sire de Norris, ambassadeur de ladite dame, résidant en France vint le xxix ème jour d’avril 1567 trouver le roi à Saint-Moret (Moret), auquel il fait entendre que, voyant la reine sa maitresse les huit ans passés dedans lesquels par le traité dernièrement fait au Château - Cambrésis entre le feu roi Henri son père et ladite dame, Calais lui doit être rendu , elle avait dépêché le sieur de Winter son vice-amiral et ledit Smith aussi pour venir audit Calais en demander la restitution, auquel lieu ils n’avaient trouvé personne qui les aurait ouï, de sorte que suivant la charge qu’il avait de sa dite maitresse, il était passé outre, et venu devers Sa Majesté la requérir en vertu dudit traité, de la restitution de ladite place et ses appartenances, comme chose juste et raisonnable »
« La réponse du roi fut qu’il s’ébahissait grandement de cette demande, d’autant qu’il avait tours estimé et tenait pour certain, vu les choses passées depuis le dit traité, qu’elle n’y avait plus riens, et lui semblait qu’il ne fallut plus parler, mais seulement de l’entretènement de la bonne paix et amitié qui étaient entre eux, en laquelle Sa Majesté désirait continuer, et faire connaitre à ladite Dame sa maitresse, l’envie qu’il a de lui demeurer bon et parfait frère et ami; que néanmoins s ’il ne se contentait de cette réponse, et en voulait savoir les raisons plus particulière, il ferait entendre à son Conseil ce que ledit ambassadeur lui avait dit. Et lui-même, s’il voulait y serait oui, auquel on lui satisferait plus amplement.
Charles IX: 1550-1574 Marie Stuart,
Souveraine du royaume d’Écosse
du 14 décembre 1542 au 24 juillet 1567
« La dessus se retirèrent les dits ambassadeurs, et avant le Roy communiqué aux princes de son sang et aux seigneurs de sondit Conseil là assemblés, fut avisé d’entendre plus particulièrement dudit sieur Smith, ce qu’il aurait à dire là-dessus; Lequel, retourné qu’il fut, recommença à remontrer que par ledit traité le Roy, comme successeur à cette couronne, était tenu de rendre ladite ville de Calais, laquelle il avait charge de Sa Majesté de demander, et le sommer d’y satisfaire, et allégua plusieurs raisons pour conforter ladite demande, toutes fondées sur ledit traité, entre autres que, si on voulait prétendre quelque innovation faite au dit traité, c’était du côté du Roi que l’on y avait commencé, alléguant les armoiries d’Angleterre prises par la reine d’Ecosse, vivant le roi François son mari, ce qu’il avait toléré, aussi que ladite maitresse avait plusieurs lettres interceptées, par où se verra que les capitaines et gens d’armes français, qui étaient lors en Ecosse, n’avaient pas seulement charge de conserver ledit pays, mais d’entreprendre sur le royaume d’Angleterre ; par où elle prétend que l’innovation, première est du côté du roi. »
« Il lui fut répondu par monsieur le Chancelier que ledit traité bien entendu, il se verrait clairement qu’elle était déchue de ce qu’elle prétendait audit Calais, en ce qu’il porte que celui qui commencera à attenter par les armes est exclu et privé de tout droit ; qu’il était clair et sans difficulté que, se saisissant du Havre de Grâce, elle était tombée en la peine dudit traité.
Armoiries de l’Angleterre et celles de l’Ecosse
Que fonder l’innovation de notre côté par les armoiries prises par ladite reine d’Ecosse, c’était chose qui ne regardait point le Roi et ne le touchait aucunement, qu’il faudrait qu’ils s’adressassent à elle, si raison y avait,, et encore quand il faudrait commencer de ce temps-là à regarder, qui aurait failli le premier, il se trouverait que ce serait ladite Dame reine d’Angleterre, d’autant que l’on savait bien le secours , faveur et assistance de gens, d’argent artillerie et munitions qu’elle avait envoyé audit pays pour défendre les Ecossais, lors ses sujets et désobéissants, et pour lesquels châtier et remettre en obéissance, Sa Majesté avait envoyé ses forces par de là, et non à une autre occasion; en quoi ils furent empêchés par l’armée que y avait par mer et par terre l’adite Dame reine d’Angleterre, qui même tint la ville du ‘Petit Lieth9’ longuement assiégée ; par où elle faisait ouverte déclaration d’hostilité, et contrairement audit traité, et par ce moyen perdait le droit que ledit traité de Cambrésis lui laissait sur ledit Calais.
Quant aux dites lettres interceptées, quand il y en aurait de cette substance ou non, d’autant que l’on sait que jamais le Roi n’eut cette intention, ce serait un fondement qui ne serait assis que sur opinion, et ledit traité parle clairement quand il dit par armes, ainsi qu’il s’est vu que, du côté de la dite reine d’Angleterre, elle a fait audit pays d’Ecosse et depuis au Havre de Grâce, et à Rouen même, où beaucoup de ses sujets furent trouvés à la reprise de ladite ville de Rouen. »
« Pour davantage justifier audit seigneur de Smith ce qui regarde le fait d’Ecosse, Sa Majesté voulait que l’évêque de Valence lui touchât particulièrement de ce qu’il en savait, comme celui qui y fut lors envoyé et y demeura par-delà jusqu’à la résolution des choses, lequel déclara que la principale occasion, pour laquelle il y alla, était pour ôter à la dite Dame reine d’Angleterre, le soupçon qu’elle devait avoir des forces de France, offrant, si elle voulait en faire retirer ses gens, de faire revenir les français qui y étaient , après que l’obéissance y serait rendue, y laissant seulement nombre suffisant et nécessaire pour la garde des places fortes ; mais comme longtemps auparavant, elle avait traité avec les dits écossais tumultueux, elle ne voulut recevoir aucune condition, jusqu’à ce que finalement elle les réduisit avec la faveur desdits écossais, et l’armée grosse qu’elle avait dedans le ‘petit Lieth’, et les y tint assiégés l’espace de deux mois, et jusqu’au traité qui y fut fait, par où ils furent contraints de retourner et laisser le dit pays en la puissance desdits rebelles, lequel traité ne fut néanmoins point ratifié par le dit roi français, d’autant que les dits écossais devaient envoyer devers Sa Majesté, dedans certain temps après, ce qu’ils ne firent, et cependant intervint son décès, de manière que la dite dame reine d’Angleterre, quand bien il lui pourrait servir, ne s’en saurait aider, n’ayant pas été approuvé du prince, par la mort duquel nous demeurons dépourvu de ce qui concerne le dit royaume d’Ecosse. »

« Ledit seigneur de Smith laissant à part ledit fait d’Ecosse, retournait toujours sur l’obligation dudit traité de Cambrésis, disant que le Roi ne se pouvait raisonnablement excuser, de la restitution de la ville de Calais, d’autant que ce que ladite reine d’Angleterre avait fait, s’impatronisant dudit Havre de Grace, n’avait été que pour le bien de ses affaires de lui conserver , es troubles dont son royaume était travaillé, faisant en cet endroit office que les princes amis doivent à leurs voisins jeunes et en affliction, comme elle avait assez déclaré par plusieurs écrits qu’elle avait fait publier, insistant toujours à ladite restitution et davantage à la peine de cinq cent mille écus portés par ledit traité, au cas de refus.
A quoi lui fut répliqué qu’elle avait fort mal fait paraître en l’exécution de cette sienne publication, qu’elle en eut cette intention ; car comme il eut plu à Dieu pacifier ce royaume et un à chacun retourner en l’obéissance accoutumée du roi, elle avait été requise se départir dudit Havre et en retirer ses forces ;par lequel effet furent envoyés plusieurs bons personnages devers elle ; mais au lieu d’y satisfaire, elle en fit sortir tous les français qui étaient dedans, renforça la garnison qu’elle y avait de plus grand nombre d’hommes, d’artillerie et munitions presqu’incroyables, et telles que toute armes, équipage et chevaux et autres provisions de vivres, qu’elle laissait assez à penser, qu’elle n’avait pas seulement volonté de se contenter dudit Havre, mais d’étendre ses ailes plus avant, se laissant entendre qu’elle le gardait seulement que l’on lui eut fait raison dudit Calais, laissant tacitement connaître par là qu’elle voyait bien du tout, avoir perdu Calais, et voulait faire un nouveau dudit Havre, où elle s’opiniâtra tellement que le roi fut contraint y envoyer une armée, qui tint longuement ledit Havre assiégé ,mais pas trop étroitement, en espérance qu’elle se reconnaitrait, et les choses y passèrent plus doucement, ce qui ne profita de rien, de sorte que Sa majesté y fait marcher monsieur le Connétable et ses principaux capitaines, en intention de les suivre en personne ; mais il avança tellement l’affaire, que ceux de dedans qui étaient en nombre de plus de six mille hommes, se voyant prestement d’être forcés, s’accommodèrent à le rendre ; en quoi ils furent pour le respect de dite Dame reine, de laquelle le roi a toujours eu l’amitié en recommandation, gracieusement et favorablement traités : par où tout le monde peut juger, elle a raison de venir à présent demander Calais, qui est un vrai héritage et patrimoine de la couronne de France, que ce n’est du leur ni conquest fait sur eux, mais chose remise en son ancienne et naturelle obéissance, tout éloignés d’eux que Dieu a divinement séparés de nous, ayant voulu par le succès des choses, ainsi que dit est, ci-dessus passées, ôter toute occasion à l’avenir de querelle et guerre entre ces deux nations et assurer le moyen de faire durer perpétuellement entre eux la bonne paix et amitié qui y est, que Sa Majesté désire conserver de sa part, encore qu’il eut assez occasion de demander à la dite reine récompense des grands frais qu’il a été contraint de faire pour le recouvrement dudit Le Havre, et autres dommages, par lui soufferts, dont il ne veut faire à cet instant ; mais à tout cela préférer l’amitié de ladite Dame, laquelle le roi s’assure, qu’ayant bien considéré toutes ces raisons, demeura satisfaite, et en non moins désir de conserver l’amitié et bonne intelligence de Sa Majesté.

Ne fut oublié faire entendre audit sieur Smith, que ledit traité porte que l’on ne pourra retirer, supporter ni favoriser les sujets l’un de l’autre prince, sans contravention dudit traité, et que ladite Dame reine d’Angleterre sait bien qu’elle a fait à l’endroit des écossais, et aussi combien de Français elle a retenu et recelés en son royaume fugitifs et proscrits de ces royaumes, sans qu’elle les ait jamais voulu fendre suivant ledit traité, quelque instance et interpellation qui lui ait été faite de la part de Sa Majesté, qui sont toutes choses qui empirent sa cause, comme il est aisé à juger »
‘Calendar of state paper, France 1567’
Après cette fin de non-recevoir, le Roi et la Reine mère quittèrent Moret et s’en retournèrent vers Fontainebleau, où une chasse à la demande du roi devait être organisée le lendemain.

Les envoyés anglais furent ensuite reçus par le chancelier Michel de l’Hôpital qui leur rappellera les termes et les dispositions du traité de Cateau-Cambrésis, en particulier en insistant sur cette occurrence que l’occupation militaire et commerciale par l’Angleterre de la ville et du port du Havre où dans ce même temps la flotte anglaise naviguait dans la Manche en menaçant la France, avait entrainé irrévocablement la déchéance de l’Angleterre de la propriété de Calais et des droits attachés, comme cela avait été prévu et signé par le traité de Cateau-Cambrésis, et il gardera pour le dernier jour, les accords pris avec la rencontre de Troyes, qui aurait dû rendre tout retour sur ce sujet inutile, à moins que la reine d’Angleterre et ses envoyés aient d’autres projets à débattre avec le Roi de France.

Jacques Auguste de Thou dans le Tome III de ses « Mémoires de la vie de l’auteur 1560-1567 » donne un autre récit de évènements de Moret, que nous joignons en note (°10) car cet éclairage qui ne change en rien sur le fond des évènements de Moret eux-mêmes, dit autrement, sinon avec une autre éclairage ce que donne le Calendar of State papers, France 1567.
Le 30 avril, Catherine de Médicis quittant Fontainebleau pour arriver le soir dans sa maison de Saint Maur, à peine arrivée, dictera une lettre à la reine d’Angleterre, dans laquelle elle parlera une dernière fois, la toute dernière fois de l’entrevue de Moret, une lettre qu’elle remettra en main propre à l’ambassadeur Smith qui l’avait accompagné, pour qu’à son tour il la remette ensuite et en mains propres à la reine d’Angleterre:
A la très Haute et très excellente Princesse, notre très chère et très aimée sœur et cousine
Très Haute et très excellente princesse, notre très chère sœur et cousine, le sieur de Smith votre conseiller, présent porteur, vous saura bien faire entendre, comme il a été bégninement ouï du roi notre très cher seigneur et fils, de ce que vous lui avez commandé en l’honnête réponse qui sur ce lui a été faite, laquelle nous nous assurerons vous trouverez si raisonnable, que vous en demeurerez satisfaite, comme nous désirons et de voir que la réconciliation de notre mutuelle amitié aille se fortifiant de telle sorte qu’elle dure autant et si longuement que nous l’estimons nécessaire et utile pour le bien de nos deux couronnes, en priant Dieu sur ce, très haute et très excellente Princesse, notre très chère et très aimée sœur et cousine, vous avoir en sa sainte et digne garde
Ecrit à Saint Maur-des-Fossés, le XXXème jour d’avril 1567
Votre bonne sœur et cousine,
Catherine State Papers France volume XL
Avec cette conclusion courtoise de la reine mère, la référence de l’entrevue de Moret clôturait définitivement le dossier de Calais. Elle va bien sur continuer de correspondre avec la reine d’Angleterre, mais ce ne sera plus jamais ni à propos des entretiens de Moret ni du destin de Calais, ce sera dès cette date du 30 avril un échange sur l’Ecosse et Marie Stuart, pour la relation avec laquelle, elle avait envoyé Villeroy, à la suite du sieur Du Cros en Ecosse, le faisant lui aussi passer auparavant par Londres pour solliciter l’intervention de la reine Elisabeth Ière. Il rentrera d’ailleurs en France sans avoir pu rencontrer la veuve de François II. Ce qui devenait de la plus haute importance pour la reine mère, ce n’était déjà plus l’Angleterre c’étaient les affaires d’Espagne, qui paraissait de plus en plus menaçante sur la frontière des Flandres et des Pays Bas.
Après cette entrevue de Moret, si l’action et l’autorité de Catherine de Médicis c’étaient arrêtés au soir du 30 avril 1567, elle aurait définitivement laissé dans l’histoire l’image la plus incontestable d‘avoir été la Reine, la Régente, la Reine mère, la Souveraine la plus remarquable de toute l’histoire de France, plus encore que Blanche de Castille. Ayant pu avec les premières années du règne de son second fils, le jeune Charles IX, tenir enfin à distance le parti des Princes du sang, celui des Guise et celui des Montmorency, en ayant imposé sa personne comme sa personnalité auprès du pape, de la reine d’Angleterre, du Roi d’Espagne, de l’empereur d’Allemagne et du Roi des Romains, elle aura non seulement établi le retour de la paix civile en France avec la paix d’Amboise, mais aussi éliminé la partie honteuse du traité de Cateau- Cambrésis, faisant en plus cesser la menace que faisait peser l’Allemagne sur Metz, créant une relation nouvelle avec l’Espagne, mais surtout en redonnant définitivement Calais à la France.
Peu de gouvernants français en avaient fait alors autant et en aussi peu de temps. 1567 à Moret sera le point d’orgue de l’œuvre de Catherine de Médicis, car déjà les nuages sont là, le mois de septembre approche de cette même année 1567, où avec ‘‘La Surprise de Meaux’ et sa tentative de s’emparer de force de la famille royale, le prince de Condé et le parti protestant vont ouvrir la seconde guerre civile.
Blason actuel de la Ville de Calais Blason actuel de la ville de Moret
Saint Ange, Mars 2021
Jérôme de ROYS
Post - scriptum
Peut- être la ville de Moret pourrait établir une plaque commémorative de cet évènement majeur de son histoire, sur le retour ouest de la façade de la collégiale Notre Dame, celui par lequel les envoyés anglais, venant du château, entrèrent dans l’église :
C’est à ici à Moret que le retour de Calais à la France fut rendu définitif
Le 29 avril 1567
NOTES
Note 1 : Très haute et très excellente princesse, très chère et très aimée sœur et cousine,
L’inconvénient advenu en Ecosse est cause que nous envoyons présentement par de-là le sr du Croc notre conseiller et maitre d’hôtel ordinaire, présent porteur pour consoler en cette affliction notre très chère et très aimée sœur la reine d’Ecosse et résider auprès elle notre ambassadeur, ainsi qu’il vous fera entendre, l’ayant chargé aussi vous visiter en passant de notre part et remercier de la démonstration que vous faites à la continuation de notre mutuelle amitié, en laquelle nous vous prierons croire que vous ne trouverez jamais de notre côté que toute correspondance, comme il faudra plus au long entendre, dont vous le croirez, s’il vous plait, comme vous feriez nous-mêmes, qui prions Dieu, très haute et très excellente princesse, notre très chère et très aimée sœur, vous avoir en sa très sainte et digne garde
Ecrit à Fontainebleau le VIIIème jour de mars 1567
Note 2: Le fonds français, n° 23193 renferme plusieurs lettres du roi au capitaine Argosse au f° 226 ou du capitaine Argosse au roi, toutes ces dernières datées de Calais, au f° 227. Il existe dans le même f° aux pages 279 et 281 entre autres, d’autres lettres du capitaine Argosse au Roi, sur l’arrivée et le séjour à Calais des envoyés de la Reine d’Angleterre. Par ailleurs, le ‘ Calendar of State papers 1567 f° 195 donne de son côté tout le détail des instructions données à Thomas Smith et à sir Henry Norris, qui venaient donc demander officiellement la restitution de Calais, comme prévu aux termes du traité de Cateau- Cambrésis et bien sûr en prendre possession au nom de la Reine.
Note 3 : Une autre version de l’arrivée des anglais à Calais est donnée par l’auteur anonyme de « l’Histoire générale de Calais et du Calaisis et du pays reconquis », sur les évènements de cette année 1567,
« Le Roi accorda alors aux habitants de Calais le privilège de gérer eux-mêmes la ville…./…..Le gouvernement de France eut dans le même temps une affaire fort importante à traiter sur notre ville. Elisabeth, reine d’Angleterre qui avait toujours eu à cœur, sa restitution, envoya à Charles IX ses ambassadeurs, pour en traiter définitivement avec lui. Ils débarquèrent au port et avant de passer la porte de la ville; ils y donnèrent le 3 avril le spectacle singulier de faire retentir plusieurs trompettes marines et autres instruments, après quoi ils se mirent à crier en langue française, qu’on eut a restituer cette ville et son territoire à l’Angleterre. Ils dressèrent ensuite en présence d’un notaire et du gouverneur Cadillan, un acte de leur demande, qu’ils firent signer par quelques marchands allemands et flamands, présents dans le même endroit. Après cette forfanterie, Smith et Guillaume Winter grand maitre de l’artillerie navale d’Angleterre, se rendirent à la cour où conjointement avec Henri Norreys, ambassadeur d’Elisabeth en France, ils firent la même demande à Charles IX qui chargea le chancelier de l’Hôpital de déclarer les raisons qui l’empêchaient de rendre cette place…./… »
Note 4: Le connétable de Montmorency voulait avoir l’assurance que sa charge passerait à son fils aîné François, ce qui lui donnerait sa lace au Conseil ainsi que le paiement de 30.000 livres promises par le roi Charles IX lors de la demande de Restitution de Calais
Note 5 : Calendar of State papers France 1567, p.208
Note 6: Louise, Marie-Thérèse, la ‘Mauresse’ de Moret , ca 1658 - 1730, religieuse bénédictine du couvent de Moret, reçut toute sa vie durant les visites les plus régulières des grands personnages de la famille royale et de la Cour. La maison du roi lui versait une pension, et des sommes encore plus importantes étaient données au couvent. Le mystère qui entoure les origines de Louise-Marie de Sainte -Thérèse a donné naissance à trois hypothèses, qui ont pour point commun de voir en elle « la fille du couple royal », sans que l'on sache s'il s'agit de la fille adultérine de la reine Marie-Thérèse, d'un enfant caché du roi Louis XIV avec une comédienne, ou plus simplement d'une jeune femme baptisée et parrainée par le roi et la reine.
Note 7: Le 11 juin 1147, le roi Louis VII et sa femme Aliénor d’Aquitaine partent depuis Moret à la tête de ses chevaliers, dont certainement Guillaume de Bezelet, seigneur de Villecerf, et Guillaume seigneur de Flagy et la chevalerie du Gâtinais, pour cette deuxième croisade voulue par le pape Innocent II et prêchée par Bernard de Clairvaux en direction de Metz, ville impériale, où ils retrouvent l’empereur Conrad III, pour arriver à Constantinople, le 4 octobre 1147.
Note 8 : State papers, année 1567, page 208 et suivantes
Note 9: Note des State Papers France1666: A la suite de l’action de Marie de Guise, régente d’Ecosse et mère de Marie Stuart qui œuvrait secrètement pour tenter de réunir l’Ecosse à la France et avait pour cela obtenu un concours de 1800 soldats français, Elisabeth 1ere, reine d’Angleterre prit peur et contre-attaqua en chargeant l’un de ses fidèles l’amiral Winter de bloquer la ville de Leith, où se trouvaient ces français.
Note 10: « Pendant que le roi était encore à Saint Maur, Thomas Smith, accompagné de Henri de Norris, ambassadeur d’Angleterre en France, vint à la cour sur la fin d’avril, de la part d’Elisabeth sa maitresse, pour traiter de la restitution de Calais. Un des articles du traité de Cateau-Cambrésis était que Calais avec tout son territoire serait rendu aux anglais huit ans après; que de riches marchands étrangers, & non sujets de la France, seraient caution & s’engageraient, en cas qu’on ne fit pas la restitution, au paiement de 500.000 écus d’or; & que cependant le roi donnerait des otages. Ceux du roi furent Frédéric de Foix, comte de Candale, Louis de Sainte Maure, marquis de Nesle et comte de Laval, Gaston de Foix, marquis de Trans et Antoine du Prat, seigneur de Nantouillet. On avait ajouté à cette clause : « Que s’il arrivait que la guerre se renouvelât, par la faute d’une des deux parties, celle qui serait cause de la guerre, serait déchue de tous les droits que le traité lui donnait, et que l’autre ne serait plus obligé à en tenir les conditions ». Après ce traité, les anglais avaient envoyé des troupes auxiliaires à Rouen, & s’étaient emparés du Havre-de-Grâce, que le roi n’avait pu recouvrer que par la force des armes, Elisabeth ayant renoncé à le rendre, lorsque l’on le lui redemanda. Cependant les anglais faisaient beaucoup d’instances pour la restitution de Calais, conformément au traité. Le roi répondit d’abord, que la demande qu’on faisait lui paraissait nouvelle et extraordinaire : Jugeant néanmoins qu’après les grandes affaires qu’il avait terminée depuis le traité, il ne lui restait plus qu’à établir une paix solide et durable entre la France et l’Angleterre, il renvoya cette affaire à son conseil, et les ambassadeurs d’Angleterre y furent entendus.
Ils se fondaient particulièrement sur les termes formels du traité, et prétendaient qu’il n’était rien arrivé depuis qui dut en empêcher l’exécution : Que les Français avaient les premiers fait connaitre la disposition où ils étaient de faire la guerre à l’Angleterre; Que Marie reine d’Ecosse n’avait pris les armes d’Angleterre que parce qu’elle se sentait appuyée de la France. Que l’on avait appris par des lettres interceptées, que les troupes françaises qui étaient au service de l’Ecosse, n’étaient pas tant pour la défense de la reine Marie, que pour attaquer l’Angleterre. Michel de l’Hôpital, chancelier répondit avec beaucoup de solidité. Il dit, qu’à s’en tenir aux termes du traité, les anglais étaient déchus de leur prétendu droit sur Calais, puisqu’il était formellement stipulé, que celle des deux parties qui serait attaquée par l’autre, ne serait plus tenue à la restitution de ce qu’elle pourrait devoir. Qu’on avait tort d’objecter au roi de France, que Marie reine d’Ecosse eut pris les armes & les marques de la royauté d’Angleterre, puisque cela ne regardait en aucune façon le roi; et que si les anglais regardaient cela comme une injure, ils pouvaient s’adresser à Marie elle-même, pour lui en faire leurs plaintes. Qu’en fournissant à Marie des secours, les Français n’avaient fait que ce qu’ils devaient, pour maintenir sur son trône une reine légitime, contre des sujets rebelles ; mais que les anglais, en s’opposant sur mer et sur terre au passage de Français et en les tenant comme assiégés dans Leith, avaient les premiers rompu la paix, et perdu par ce seul fait tout le droit qu’ils prétendaient avoir à la restitution de Calais. Que ce qu’ils alléguaient sur la foi de lettres interceptées, n’était que des conjectures et non des vérités, qu’au reste, la guerre étant une fois allumée, on pouvait tout tenter et tout entreprendre parce qu’on agissait alors en ennemi.
Il fut ensuite question de l’expédition de Dessé contre l’Ecosse, Jean de Montluc, évêque de Valence qui avait été présent à cette guerre, ayant reçu l’ordre du roi de parler, dit que les anglais avaient alors fait plusieurs tentatives sur le royaume d’Ecosse, injurieuses au roi de France, à qui ce royaume appartenait alors, qu’ils avaient allumé le feu de la rébellion dans le cœur des écossais, qu’ils les avaient empêché de rentrer dans leur devoir et qu’ainsi ils avaient encore en cela violé la foi des traités. Smith, sans répondre à ces objections, revenait toujours aux termes du traité, et prétendait que le roi ne pouvait sans y manquer, se dispenser de rendre Calais. Que bien loin de reprocher aux anglais les secours donnés à Rouen et au Havre, il fallait plutôt les en louer et les remercier, qu’ils n’avaient fait que comme de bons voisins et de bons amis, que la reine sa maitresse avait en cela rendu un bon office à un roi mineur, afin d’empêcher qu’au milieu des troubles et des guerres, dont son royaume était agité, il n’arrivât quelque chose de pire à une place comme Le Havre, si voisine de l’Angleterre et qu’elle avait dès lors protesté dans un mémoire qu’elle publia, que Sa Majesté ne prenait possession de cette place que pour un temps, pour la conserver au roi et la lui remettre.
Le Chancelier reprit la parole et dit, que les actions de la Sérénissime reine d’Angleterre n’avaient pas répondu à ses paroles, puisque la paix ayant été faite, et le roi lui ayant redemandé cette ville, non seulement elle n’avait pas satisfait à sa juste demande, mais qu’elle en avait aussitôt chassé tous les français, et y avoir mis une très forte garnison, en sorte qu’il avait paru à tout le monde qu’elle ne se bornait pas à vouloir défendre cette place, mais à faire de nouvelles conquêtes dans la Normandie. Que c’était donc à la dernière extrémité que le roi s’était déterminé à en faire le siège, et qu’en considération de la reine, à qui le roi cherchait à faire plaisir en tout, le Connétable de Montmorency qui commandait l’armée royale, avait eu des très bonnes manières avec les anglais. Le Chancelier conclut de tout cela, que la reine n’était pas fondée en raison pour redemander au roi la ville de Calais, qui lui avait été rendue, moins par droit de la guerre, que comme un héritage qu’on restituait à ses anciens maîtres. Que les anglais séparés de toute la terre par les bornes que la nature leur a prescrite, devaient se contenter de ce qu’ils possédaient, et ne pas prendre ce qui appartenait aux autres, et que les Français de leur côté, ayant recouvré un ancien domaine, devaient dans la suite vivre en paix et en amitié avec les Anglais. On ajouta des plaintes sur ce que dans le temps de la guerre, la reine d’Angleterre avait donné retraite aux transfuges français, et qu’elle avait refusé contre la disposition des traités, de les rendre au roi, lorsqu’ils les avaient fait demander par ses ambassadeurs. On se fit ensuite quelque reproches, mais plus obligeant qu’injurieux. On dit aux Anglais qu’ils étaient plus prudents et plus circonspects que les Français dans les traités qu’ils faisaient. Ils répliquèrent que c’était à nous qu’il fallait donner cette louange, puisque les français étaient plus fins que les anglais. Ce fut pour ces raisons et pour plusieurs autres que le roi s’excusa de rendre Calais. Au reste les ambassadeurs anglais furent congédiés avec des grandes marques de considération et de bienveillance. »
DE THOU, Tome III - livre XLI, pages 782 à 784
Note 11: Leith, action de Marie de Guise, régente d’Ecosse et mère de Marie Stuart qui œuvrait plus ou moins secrètement pour tenter de réunir l’Ecosse à la France et avait pour cela obtenu en 1555 un concours de 1800 soldats français. Elisabeth 1ere, reine d’Angleterre prit peur et contre-attaqua en chargeant l’un de ses fidèles l’amiral Winter de bloquer la ville de Leith, où se trouvaient ces français, ce Même Winter que l’on retrouve le 1er avril 1567 à Calais.
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