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Histoire succincte du chateau de Saint Ange

Dernière mise à jour : 23 mai 2020

L’auteur de cet article, "Histoire succincte du chateau de Saint Ange" l’avait écrit au début des annees 2000,

Depuis, il s’est consacré à l’écriture d’une histoire plus complète de Saint Ange ainsi que de Villecerf, dont sera tiré prochainement un résumé, qui remplacera cet article.


Introduction

I. La construction de Saint Ange

II. La Période Le Charron et la Reconstruction de Challeau Saint Ange

III. La période Caumartin

IV. Le dix-neuvième siècle et les temps modernes



Introduction


   Saint Ange est aujourd'hui situé sur la commune de Villecerf, dans le canton de Moret sur Loing. Le nom de Villecerf, "Villa servus" ou encore "Villa cervus" atteste d'un établissement de type gallo-romain qui traversera les siècles jusqu'au rattachement du Gâtinais à la France de 1067, sous le 4° règne capétien, par Philippe I°.


   A cette époque existe la seigneurie de Challeau, aujourd'hui divisée en deux parties, l'une rattachée lors de la révolution à la commune voisine de Dormelles, l'autre sur laquelle est inscrit le site de base et les bâtiments du domaine de Saint Ange, l'ancienne co-seigneurie de Beaumont lez Challeau sur la commune de Villecerf.


   En cette fin du XI° siècle, la limite de la France, alors essentiellement l'Ile de France et de la Champagne, était le cours de l'Yonne. Comme l'usage de cette époque le prévoyait, la frontière était la ligne de crête entre l'Yonne et la rivière la plus proche, c'est à dire l'Orvanne. A partir de Moret et de son étang avec la forteresse de Ravannes, se succédaient, de village en village et jusqu'au-delà de Vallery, des maisons fortes, édifiées sous l'autorité du roi capétien, rendant directement hommage au roi pour "sa grosse tour de Moret ".


   Les routes sont alors entre l'Orvanne et l'Yonne : Pour aller de Moret à Vallery, le chemin passe par Montarlot, Ville Saint Jacques, Dormelles, Flagy, Voulx et Diant.


   On trouvera Bézière à Villecerf, vraisemblablement Beaumont, là où est aujourd'hui l'ancienne gloriette de Saint Ange, Challeau un peu plus loin, etc etc. Les familles seigneuriales du bord de l'Orvanne et de sa proximité seront parmi les plus connues du temps et de ce temps des croisades et de la paix capétienne : Les Villebéon, cadets de la maison de Nemours, Les Montmorency avec Bouchard III, seigneurs de Challeau, les Nesles, seigneurs de Beaumont lez Challeau, les Allegrain, seigneurs de Diant, les Marolles, etc etc..La ruine de nombre de ces familles par les coûts de la croisade verra les abbayes comme celle de Saint Germain des Près à Paris racheter à vil prix terres et droits.


   Ces maisons fortes seront réaménagées et modernisées lors de la reconquête française du règne de Charles V, lorsque les anglo-Navarrais et les "grandes compagnies", qui occupaient notre région et l'avaient grandement dévastée et ruinée, enfin la quittèrent.


   La poursuite de la guerre de 100 ans et son renouveau après l'assassinat de Jean sans Peur sur le Pont de Montereau, une nouvelle organisation face au nouvel ennemi bourguignon, feront perdurer misère et pauvreté, dont notre région ne sortira qu'avec la fin du règne de Louis XI et les deux règnes d'avant le temps de la Renaissance.


   De rares exceptions, dues aux fonctions de certains seigneurs locaux comme Guérin le Groing pour Challeau et Dormelles, parce qu'il était le maître des écuries du roi et le frère du maître de l'artillerie de Louis XI, apportèrent plus rapidement mais très ponctuellement le renouveau par l'agriculture et le commerce organisé autour des Foires, comme celle de Dormelles.


I. La construction de Saint Ange


    C'est aux grands travaux de Fontainebleau, entrepris par François 1° après la mort de sa mère Louise de Savoie à Gretz sur Loing, et l'immense héritage qu'il en reçut, que la vallée de l'Orvanne vit s'éveiller l'établissement des favoris et notables, qui recherchaient la proximité du roi, de la Cour et des chasses royales.

   Ce sera entre 1543 et 1546 qu'Anne de Pisseleu, Mademoiselle d'Heilly, devenue la Comtesse puis la Duchesse d'Etampes, après avoir embelli son domaine de Limours, décida de construire la "Maison de Plaisance Bâtie à la moderne" de Challeau. Si l'architecte reste encore inconnu, il faut certainement le rechercher davantage vers l'Italie et Serlio qu'en France avec Chambiges et certainement pas Philibert Delorme comme trop de traditions du XIX° siècle l'ont, sans le moindre document, affirmé.

   Le Maître Maçon, la désignation des travaux et leur ampleur et chronologie ont pu être très récemment retrouvés par le minutier des Notaires.

    Les Dessins en perspectives d'Androuet du Cerceau, son commentaire, puis la gravure de Châtillon nous restituent avec beaucoup d'exactitude la réalité de l'édifice (annexe 1).


© Anne de Pisseleu - Corneille de Lyon - 1535-40


    La Maison était conçue pour ouvrir à l'italienne sur quatre côtés de Jardins : Ceux-ci, à la différence du château et de sa luxueuse décoration intérieure achevée à l'été 1546, où les artistes italiens et français les plus renommés et ayant participé à Fontainebleau, comme Le Primatice, Jean Goujon et d'autres, ne seront pas terminés. Seul le jardin sud, " les Charmilles", qui liait avec le parc en ouvrant sur l'entrée en élévation du château, sera achevé. Il permettait l'accès au château par sa terrasse recouverte en pierre de liais et son demi étage au moyen d'un pont en bois appuyé sur des arches symétriques.

   Ce "Jardin des Charmilles", implanté à même hauteur que le toit en terrasse du château, était orné de buis et d'ifs établis en perspective avec la grande allée nouvellement bordée d'arbres : "l'allée de Sire François", dans l'axe nord-sud du futur parc, encore en son état premier de forêt. Cette grande allée, aujourd'hui l'allée de Madame, joignait par un rond point une allée est-ouest, "l'allée de la Justice", qui menait jusqu'à la route de Moret à Villemaréchal par l'abbaye de Trin, alors seul accès possible à Challeau-Saint Ange.

   Sur son coté est, ce jardin des Charmilles organisait la forte pente du versant de la montagne par des rampes et escaliers amenant au petit jardin de l'est, encore à l'état embryonnaire.

   Les jardins ouest, l'actuelle entrée de Saint Ange, n'existaient pas encore. Les futurs jardins d'eaux du Nord se limiteront, en cette année 1546, à l'aménagement du bras de déchargement de l'Orvanne, qui alors alimentait deux moulins, en un grand canal, à partir duquel le projet, encore inconnu, de bassins devait être réalisé.


    La mort du roi amena la disgrâce de la Grande Favorite, et son exil en Bretagne, chez son bien théorique mari Jean de Brosse, le comte de Penthièvre, devenu comme mari de sa femme, Comte puis Duc d'Etampes, et ce après ses 33 ans de pouvoir sans partage.

    Si, avec la mort de son mari en 1566, elle revint à sa maison de Challeau, seul bien avec Egreville et Angervilliers qu'elle pourra sauver de la rancune de la nouvelle favorite Diane de Poitiers, qui s'était immédiatement fait adjuger, par le nouveau roi Henri II, le Duché d'Etampes et le Château de Limours avec toutes ses collections. Les restes de l'immense fortune qu'elle avait accumulée au long de ces années se trouveront neutralisés par son mari, Jean de Brosse, le Comte de Penthièvre. Comble de l'ironie, ce dernier instituera à sa mort non pas sa femme mais le Connétable Anne de Montmorency, descendant de Bouchard III, l'ancien seigneur de Challeau, comme légataire universel.


   Ce sera pendant ces années de 1566 à octobre1580, date présumée de sa mort, que Challeau sera donc enfin quotidiennement habité. Le parti Huguenot, vers lequel elle inclinait fort, s'y rassemblait volontiers. Saint Ange n'était il pas commode, proche de Vallery et de Châtillon, et nombreuses sont les anecdotes sur ces années. Challeau Saint Ange, si l'on interprète son testament est certainement avec son père ce qui aura le plus compté dans sa vie..!


    Toutefois, le plus aimable adage se doit d'être conservé, même s'il a peu de chance d'avoir été formulé dans ce temps, car il mesure la tendresse qui prévaudra toujours et pendant plus de 30 ans entre le Roi et sa grande Favorite


"Si tu me tisses une chemise sans couture je te bâtirai un château sans toiture"


Il faut imaginer ce qu'a dû être, à son inauguration à l'automne 1546, l'arrivée de François 1°, venant de Fontainebleau par Moret, accompagné de sa cour et de sa suite, la joie de Madame d'Etampes de lui faire admirer ce qu'elle avait su réaliser en si peu de temps. Elle lui fait découvrir le nouvel édifice, le paysage dans lequel il est enchâssé à partir de son jardin des Charmilles. Le roi, accompagné d'Henri et de Madame de Poitiers, descend ensuite au premier étage où est son appartement, dans le pavillon nord-est, un couloir en retrait de celui du dauphin, identifié par sa plaque de cheminée. Cet appartement fait face à celui de Madame d'Etampes. Entre les deux, la grande galerie ouverte, par laquelle on voit les ouvriers s'affairer à la construction des jardins d'eaux. Enfin, le Rez de Chaussée, en légère surélévation, recevra les convives de la grande fête italienne, où musiciens, chanteurs et conteurs animeront cette première soirée.

    Si certaines légendes méritent d'être conservées, il faut, par contre, oublier les fantaisies et traditions des historiens du XIX° et du XX° siècle : Saint Ange, qui d'ailleurs s'appelle alors encore Challeau, ne sera jamais la résidence de Diane de Poitiers, ni surtout celle de Gabrielle d'Estrée pour laquelle on a fait dire qu'Henri IV aurait restauré le château.


    A la mort de la Duchesse d'Etampes, Challeau va à sa nièce, Jeanne de Chabot, puis à sa fille, Marguerite, qui épousera Hurault de Cheverny, le chancelier d'Henri III. Les aveux et les hommages témoignent bien de la chronologie et de la filiation du domaine jusqu'en 1607, où s'établit la maison Le Charron.

Dessins du Cerceau


II La Période Le Charron et la Reconstruction de Challeau Saint Ange


C'est sous le règne d'Henri IV et le début de celui de Louis XIII que les domaines acquis de 1597 à 1607 dans le Gâtinais par Pierre le Charron, le plus jeune fils du Prévost des Marchands de la Saint Barthélemy, qui meurt à Dormelles en 1626, sont répartis entre ses trois fils :


Antoine, gouverneur de Montereau reçoit Dormelles et y fait construire, à partir de 1612, le magnifique château où mourra son gendre, Timoléon de Cossé, le grand Panetier de France et alors connu pour ses importantes collections d'orfèvrerie et d'émaux italiens, comme par les séjours qu'y feront Louis XIII et Anne d'Autriche.

Toutefois il n'est pas impossible,bien au contraire,qu'un château ai existé à Dormelles dont Antoine aurait hérité après son père Pierre. Des recherches en cours présentement,devraient certainement infirmer ou confirmer ce point


François, gouverneur du Bois de Boulogne, recevra Challeau, qui comme Dormelles sera élevé en baronnie et deviendra Saint Ange en 1628,la seigneurie de Saint Ange qu'il avait également reçue,devenant alors Saint- Ange- le - Viel


Claude reçoit Villemaréchal, avant que d'acquérir Paley et Rémauville.


Ainsi la famille Le Charron, qui y avait déjà bien des parentés et des amitiés par les Olivier, les Budé et les Amer, devient l'une des plus importantes dans le Gâtinais.


François I° Le Charron et sa femme Anne de Boulogne, avec le concours d'un architecte encore inconnu, réduira l'emprise de la maison en la dotant vers l'ouest d'une terrasse en rez de chaussée. Il modifiera le couvrement en ôtant la terrasse de liais et la remplaçant par des toits d'ardoises pointus. Les modifications obligeront à reprendre les voûtes centrales des sous sols pour supporter la nouvelle façade ouest devenue la façade d'entrée et son escalier central.


Il remaniera complètement les travaux de jardins en façonnant la première version des jardins nord, les jardins d'eau, à peine esquissés par la Duchesse d'Etampes : Ce sera le grand bassin en pentagone, entouré de ses deux contre bassins, la pièce des carpes et la pièce des brochets, les canaux, cardo est et ouest. Les alimentations en eaux se font par le bras de déchargement de l'Orvanne qui devient le grand canal, avec sa croix de Lorraine, le grand canal du Decumanum qui amène l'eau de la source des abîmes, enfin l'Orvanne au nord facilite la régulation du volume d'eau.


Il modifie la Gloriette des jardins de l'est qu'il approfondit en remodelant la perspective en déforestant et rehaussant le niveau vers Challeau.


Il obtient l'autorisation du roi en 1643 de bâtir murs et fossés, ce qui lui permet de ceindre d'abord la forêt, devenue le parc, de murs de soutènement avant de commencer par Challeau les murs de soutien des terrasses sur les jardins.

Il projette un dessin ambitieux du parc en symétrie des jardins d'eaux avec ronds points et pentagônes. Mais ce sera son fils, François II Le Charron, qui en achèvera la réalisation. Le dessin du parc et des jardins d'eau a été attribué à Le Notre mais aucun document n'a encore été trouvé pour l'établir sans conteste.

Enfin, avec la récente acquisition qu'il a fait de la seigneurie de Villecerf, il peut ouvrir les jardins de l'ouest, l'entrée actuelle, et faire de la façade ouest du château la face principale. Toutefois le chemin de Villecerf à Saint Ange, qui est créé, l'est à 45° d'angle par rapport au portail d'entrée. Il aménage également l'important potager dont les murs et les puits précèdent l'entrée ouest de Saint Ange à main gauche .


Les immenses dépenses qu'il fait, tant en acquisitions qu'en travaux et en train de vie, le mènent rapidement, malgré son importante fortune, dans une situation précaire.

Un concordat et une curatelle pour maintenir ses biens au bénéfice de ses enfants seront exigés : Sa femme, Anne de Boulogne, la future Madame de Saint Ange de Port Royal, est plus à l'aise dans la dévotion et le prosélytisme janséniste que dans le soutien de son mari à la cour. Madame Le Charron et sa fille sont respectivement Madame et Mademoiselle de Saint Ange dans le Dialogue des Carmélites.


Saint Ange verra venir les Arnaud et leurs cousins d'Andilly, Pascal et bien d'autres religieux,comme le célèbre Antoine Singlin, ou de simples dévots ou adeptes du jansénisme,venus y apporter leur ferveur et leur conviction


Il meurt à Saint Ange et est enterré dans l'église de Villecerf où sa plaque tombale marque bien et symboliquement l'importance de ce qu'il a fait pour ce village.


Après lui, son fils François II Le Charron, continuera la tradition dépensière de son père,avec au moins autant de fastes pendant près de 20 ans, si bien qu'à son tour il ne pourra plus faire face aux conséquences de son train de vie.

Il est très difficile aujourd'hui d'évoquer avec certitude quels auraient été la part des travaux et des embellissements faits par François I° Le Charron et Anne de Boulogne ou ceux de François II et de sa femme la si renommée Ennemonde Servien.

En tout cas, la vie somptueuse qu'ils purent y mener,sera tout à fait exceptionnelle, Elle fait alors venir dans cette maison ,devenue l'une des plus belle du Gâtinais,une grande partie de la Cour lorsqu'elle était à Fontainebleau.

Par Madeleine de Scudéry et sa Clélie, nous avons le fil conducteur qui nous donnera dans une autre évocation l description tant de la maison et de ses jardins que celle des visiteurs et de leurs activités Il vendra donc, dans la continuité des relations familiales, à Charles Quentin de Richebourg qui le donnera à son gendre, Louis Urbain Le Febvre de Caumartin.


Le temps des Le Charron n'aura pas atteint ni deux générations ni même le siècle. Mais ce sera leur vision, et leurs goûts qui transformeront si magnifiquement cette maison et ce site. Et c'est à eux que nous devons le nom actuel de Saint Ange.


III. La période Caumartin


Madeleine Le Charron, de son mariage avec Jean de Choisy Seigneur de Balleroy, avait eu une fille Madeleine qui épousera en 1622 Louis le Fevre seigneur de Caumartin et de Boissy, le fils aîné du garde des sceaux de Louis XIII. Elle est la Grand Mère de Louis Urbain, dit "le Grand Caumartin", qui se marie donc à Saint Ange en 1680 avec Marie Anne Quentin de Richebourg. L'élève de Fléchier restera immortalisé dans les lettres, tant par les portraits des Mémoires de Saint Simon que par les vers de Boileau :


" Chacun de l'équité ne fait pas son flambeau

Tout n'est pas Caumartin, Séguier ou d'Aguesseau. "


Mais c'est son action dans ce domaine qui laissera la marque la plus forte : Il recueille le jeune Arouet, le futur Voltaire à Saint Ange au sortir de la prison de Châtelet, où son insolence l'avait conduit. Ce sera à Saint Ange, aidé de l'immense mémoire de Monsieur de Caumartin que sera jeté le concept de la Henriade : Un banc de gré à l'entrée de la Futaie-plaine, au sortir des Charmilles porte son nom :


" Tandis que le cagot mange harengs et salsifis,

à Saint Ange, je fais carême avec des perdrix *"


Voltaire sera certainement marqué toute sa vie par l'attention que lui avait portée monsieur de Caumartin. il le sera plus encore par la descendance des Le Charron,nous le verrons plus tard.


Ce sera à Saint Ange que seront conservés les "mémoires" et les papiers du Cardinal de Retz. Et c'est au Grand Caumartin que sera due la première édition de cette oeuvre essentielle. Il sera aussi l'objet de nombreuses flagorneries : Un poème de J.J. Rousseau essayant par tout moyen, et dans ce cas la flatterie la plus basse, de trouver une route à son ambition, ne le conduira pas plus rue Saint Avoye, qu'à Saint Ange : Monsieur de Caumartin, malgré son immense bonté et sa grande générosité, savait aussi se protéger.


Recevant Saint Ange par son mariage, il en sera autant épris, si cela peut se dire, qu'il le fut de sa femme, la belle Marie-Anne de Richebourg, l'amie de Madame de Sévigné et de leurs voisins d'Epoisses, les Guitaut.

Il poursuivra la vision des Le Charron sur l'établissement en Gâtinais, en réunissant sur son nom les domaines perdus, et en les élargissant avec des acrues à Flagy, Ville Saint Jacques et Villemer. Plus tard, il obtiendra l'engagement de Moret ,cela malgré l'estime bien dégradée où le tenait alors le souverain,depuis qu'il s'était fait remarquer pur une spéculation excessive sur un " amas de blé ".

Cet engagement le faisait successeur de ces prestigieuxEngagistessi souvent du sang royal ou le la grande bâtardise du Roi :Le marquis de Saint Ange devenait Comte de Moret.


Le "Grand Caumartin" réaménagera avec un goût exquis, en utilisant toutes les ressources de l'art français de la Régence, l'ancienne maison de Plaisance de Madame d'Etampes une fois déjà mise au goût du temps pas les deux le Charron.

Il déplacera la grille monumentale des Le Charron, en la rapprochant des communs agrandis, devenus l'Intendance. La Conciergerie sera installée une terrasse plus bas à l'entrée du jeu de Paume.

Il fermera les fossés qui seravient alors de réserve d'eau, en fossés secs, centre des jardins de l'ouest, après la cour d'honneur qui sera pavée.


Les murs des terrasses ouest seront édifiés en grand appareil tels qu'on peut les voir encore aujourd'hui,en remplacement du décor d'arbres et d'arbustes qui verdissaient la colline.

La terrasse de l'entrée, les murs de soutènement seront ensuite surmontés de balustrades en pierre tendre faites à Paris,d'où elles seront amenées par eau au port de Saint Mammès,puis en charroi à Saint Ange


Mais ce sera par l'élégance nouvelle donnée tant aux jardins d'eau du Nord qu'aux jardins sud des Charmilles, que la manière du temps sera visible : Le Pentagone du grand bassin est repris par un dessin en plein cintre, dont le motif se retrouve aux charmilles par les arcs du fer à cheval.

Les jardins d'eaux s'élargissent tant vers l'est et Challeau avec une nouveau contrôle des eaux par les " sources des Abimes " que vers l'Ouest et Villecerf pourvus alors d'aulnayes et de peupleraies à l'italienne, rytméesde nombreuses fabriques, et obélisques : Ponts et pontets sont multipliés pour faciliter la promenade. Les angles des canaux sont adoucis par des liaisons courbes en grand appareil.

Les statues sont nombreuses tant dans le parc, où de nombreux ronds-points, allées suivies de contre-allées de buis ombrant les bancs de grés blancs ou leurs fontaines dans les jardins est & ouest et d'eaux.


Enfin, il tracera et pavera les routes d'accès par la "Grande allée marchante de Trin à Saint Ange" dans l'alignement de l'entrée actuelle, plantée d'une double rangée d'arbres,ormes et marronniers que l'on retrouvera jusqu'aux ronds-points en double plein cintre, et leurs allées et contre allées vers Villecerf, et Villemaréchal. Cette magnifique promenade, ombragée en été, est le lieu de promenade des villecerfois le dimanche et lors des fêtes carillonnées


C'est bien sûr dans la maison que les éléments les plus remarquables seront visibles. S'il est probable qu'il a dû réaménager la décoration du Primatice, et donner aux pièces le goût du temps,il était suffisamment attaché aux traditions et au prestige de ses prédécesseurs pour avoir conservé les fresques du temps de la duchesse d'Etampes,et les céramiques espagnoles de Charles Quint. La description de ces nouveaux aménagements intérieurs, des collections et de la décoration nous sont heureusement parvenus tant par les témoignages du temps que par les inventaires de 1795 et 97.

De cela ont survécu la grande série de la "Guerre de Troie", merveilleuses tapisseries de Flandres des années 1520-1530 qui sont aujourd'hui dans la salle d'audience du palais de justice de Montereau, la baignoire de la Duchesse d'Etampes à l'abbaye de Preuilly, et très vraisemblablement la collection de bustes d'empereurs romains qui doit être celle que l'on admire à Vaux le Vicomte. Les tableaux de Rembrandt, du Titien et des autres maîtres mal identifiés par les inventaires sont, il faut le souhaiter, sauvés quelque part que nous n'avons su découvrir.

De même, la magnifique bibliothèque aux reliures signées par les plus grands noms du temps comme Grolier, Dusseuil, Courteval Bozérian et bien sur Florimond a été dispersée.

Le hasard fait que, de temps à autres, certains de ces amis viennent retrouver leur place à Saint Ange. C'est dans sa maison, qu'il avait tant aimée et pour laquelle il avait tant fait, qu'il meurt en 1720.


Après lui, son demi-frère Antoine, 1696-1748, puis le fils de ce dernier, Antoine Louis François, 1725-1803, tiendront ce domaine, qui s'éteindra par les immenses dettes du Prévost des Marchands, le dernier Comte de Moret.

Ce dernier sentant la Révolution approcher avait donné une importante partie de ses biens à son fils unique Marc Antoine. La révolution décrétera le dernier des Caumartin Immigré, malgré ses passeports en règles.

Il séjournait alors en Angleterre pour soigner sa phtisie aux eaux de Bristol. L'administration fiscale du temps, bien "conseillée", considérera les biens Caumartin comme biens indivis, entre le père et le fils,et donc l'Etat y avait sa part, les biens d'émigrés lui revenant directement et devant être vendus.

Saisi par le pouvoir, auquel s'étaient joint certains de ses débiteurs,la totalité des biens furent vendus aux spéculateurs du temps, avec quelque complicité de ses proches pour des sommes dérisoires qui ne le sauveront pas de la misère, dont seuls ses parents et amis Le Charron s'efforceront de le tirer d'affaire.

Il verra dès 1797 la vente aux enchères des meubles et collections de Saint Ange, puis après le morcellement poussé jusqu'à l'extrême du foncier, la démolition, ardoise par ardoise, pierre par pierre, de ce qui avait été l'un des lieux les plus remarquables du Gâtinais, où lors des grandes chasses de 1786. Louis Antoine de Caumartin et son fils Marc Antoine avaient encore reçu pendant une semaine Louis XVI et la reine Marie Antoinette.

Autour des années 1765, l'amour du spectacle et des artistes avaient motivé le futur Prévost des Marchands à établir un petit théâtre, ajouté en prolongement du pavillon sud-est.

Une tradition aussi vieille que l'arrivée des Condé à Vallery, faisait que Saint Ange voyait les convois funèbres des défunts de leur Maison s'arrêter le temps d'une halte aussi symbolique que rituelle dans sa chapelle, sur la route de leur caveau de Vallery. Nous en parlerons.

L'aveu de 1788, les splendides terriers et différentes levées du site, les inventaires de ces dernières années d'avant la révolution décrivent exhaustivement l'apogée de ce domaine. Il n'en subsistera, à peine dix ans plus tard, que les murs de soutènement, les caves et sous sols et, çà et là, les nombreux vestiges de l'architecture et de la maçonnerie.


* Variante du verset :


"Ma muse qui toujours se range,

Dans les bons et sages partis,

Fait avec faisans et perdrix

Son carême au château Saint Ange"



IV. Le dix-neuvième siècle et les temps modernes


Ce sont ces importants vestiges dont Balthazar de Rennel, Comte de Lescut et du Saint Empire, fait l'acquisition en 1815, alors qu'après avoir servi pendant le temps du début de l'Emigration le Comte de Provence, le Roi Louis XVIII appelle ce dernier représentant d'une des plus anciennes et des plus distinguées familles de la Lorraine à son service à Paris et à Fontainebleau.


Deux ans après cet établissement, Balthazar de Rennel comte de Lescut et du Saint Empire,marie sa fille unique Virginie à Jérôme Joseph Marquis de Roys de Lédignan, 1791-1881, 7° du nom dans la branche des seigneurs de Saint Michel, devenu le 18° aîné et degré depuis Pons Régis alias de Roys à partir duquel les généalogistes et les preuves font commencer cette famille. Monsieur de Rennel devient Maire de Villecerf et s'efforce de rétablir la maison et le site de Saint Ange.

Sa mort en 1821 n'interrompra qu'un temps cette restauration. Immédiatement son gendre, remarquable architecte, malgré ses autres occupations, y mettra une énergie et une compétence sans pareille.


Ainsi pourra être largement remembré l'essentiel du domaine direct et en particulier pour les jardins d'eaux, réunifiées les plus de 50 parcelles qui l'avaient morcelé.

C'est pendant cette époque que l'actuel château verra sa façade nord surélevée d'un étage et la façade ouest agrandie (Sans les pavillons de la malheureuse castellisation ultérieure). C'est à Jérôme - Joseph, Marquis de Roys, que Saint Ange devra l'implantation avec ses boiseries et ses cheminées des salons, et la création de la première bibliothèque.

Jérôme Joseph dit le "Saint Marquis" tant pour sa piété et son modeste et efficace prosélytisme, dans la continuation intellectuelle du Curé d'Ars avec lequel il entretint une importante correspondance, a fait une œuvre géologique encore aujourd'hui de quelque autorité, reconnue sous la dénomination "cote de Roys".

Il établira aussi l'ancienneté de l'habitat humain sur le site même de Saint Ange avant même le néolithique. Ces importants travaux seront continués par Gontran du Coudray qui déposera les collections venant de Saint Ange dans le musée de la Nièvre qui porte son nom.

Mais le goût de l'époque souhaitait des arbres.

Et si les jardins d'eaux revinrent en état avec un bel ajout de plantations de rangées de platanes le long de la rivière, les anciens jardins à la française de l'est et de l'ouest, mais surtout le si beau jardin des Charmilles seront transformés en "jardins à l'anglaise", avec des arbres d'agrément exceptionnels que beaucoup ont encore connus et dont certains sont toujours là.

L'entrée par la ferme de Saint Ange, dite aussi ferme du haut, avec sa grille XVIII° sera créée, la ferme étant modifiée pour permettre une meilleure séparation entre les deux corps de bâtiments, et surtout sera institué le service par la terrasse devenue "le petit jardin".

C'est cette terrasse et son tilleul que connaîtra Balzac lors de l'écriture de "La Femme de Trente Ans", Saint Ange nommé Saint-Lange..!!

Quand une génération plus tard, Anne Conrad de Roys, 1818-1846, fera revenir le sang Le Charron à Saint Ange, Jérôme Joseph, le premier du nom à être à Saint Ange, aura donc l'immense joie de marier son fils unique avec celle qui sera la dernière du nom Le Charron. Quel meilleur présage pour l'héritier d'une famille exclusivement bas-languedocienne, tant par son histoire que ses alliances, que de voir cette union avec la représentante de cette vieille dynastie du Gâtinais, auteur de la grande rénovation de Saint Ange.


Hélas, Anne Conrad mourra très jeune à Saint Ange, en novembre 1846.

Il faudra attendre l'âge adulte de son fils, Richard Timoléon, Marquis de Roys, 1839-1886, pour que l'œuvre de redressement du domaine se poursuive : Démissionnant un temps de l'armée pour devenir Conseiller d'arrondissement de Fontainebleau, puis Maire de Villecerf et Conseiller Général de Seine et Marne, enfin député de l'Aube de 1877 à sa mort en 1886, Richard Timoléon Marquis de Roys contribuera à la modernisation du village et de la région. Il rénovera l'église de Villecerf, endommagée par l'occupation prussienne de 1871, établira la gendarmerie et la Poste, et s'apprêtait à créer une gare de chemin de fer lorsque la mort le frappa dans la force de l'âge, précédant de quelques jours celle de sa femme, Marie de Montangon, l'âme de la restauration de la chapelle de la Vierge de l'église de Villecerf, laissant 4 enfants mineurs.

Quelques années plus tard, la funeste castellisation par deux pavillons décidée par le Colonel hongrois Miklos de Kiss de Nemesker, qui avait épousé Mathilde Le Charron, veuve d'Anne Conrad de Roys, sera hélas réalisée.

Après Richard Timoléon, son fils Roland Nicolas, 1873-1915, arrivé à l'âge adulte, pourra reprendre l'autorité, un moment perdue, sur le site et la maison de Saint Ange.

Il y animera une vie littéraire et artistique dans cette fin du XIX° et ce début du XX° siècle qui verra Saint Ange accueillir François Coppée, Edouard Drumond, Alphonse et Léon Daudet et bien des journalistes parisiens comme Arthur Meyer, le directeur du Gaulois, Albert Duruy et son frère Georges, Rochefort, Marchand et même quelques scientifiques épris de lettres et d'artistes comme le docteur Paquelin l'inventeur du thermocautère.

 

L'entrée dans le XX° siècle du domaine se fera par la génération suivante avec René, Marquis de Roys 1898-1945, qui sera l'une des figures de la Résistance en Seine et Marne et dans le Gâtinais, au terme d'une brillante carrière militaire débutée en 1916.

Dénoncé et arrêté après les parachutages dans le parc de Saint Ange de juillet 1944, ce qui le conduira vers les camps de la mort. Il ne reviendra pas d'Ellrich le plus funeste des kommandos de Dora " Le cimetière des français " où il sera conduit à son arrivée à Buchenwald le 18 septembre 1944, à l'arivée du dernier convoi parti de France.


Sa veuve, issue d'une famille de militaires que l'on trouve fort curieusement établie à Moret au XV° siècle, avec la charge de ses 4 enfants mineurs, s'efforcera toute sa vie de donner âme et vie au domaine et c'est à elle que l'on doit, entre autres, les premières modernisations, la création de l'actuelle salle à manger, la restauration du moulin, et l'initiation du retour en jardins à la française des jardins ouest.

C'est à elle aussi que l'on doit l'établissement du caveau de Roys dans les jardins de mille écus, où, à la fermeture du cimetière de Villecerf, elle sût réunir en un même lieu tous les représentants de la famille décédés depuis la révolution, si bien que les Roys n'ont que trois caveaux dans leur histoire : celui de Maruéjols les Gardons, en Bas-Languedoc, celui de l'église Saint Paul des Cordeliers à Beaucaire, et celui de Saint Ange.


Aujourd'hui, au début de cenouveau millénaire, les préoccupations sont importantes : Les menaces sur l'environnement par les lignes électriques, les routes et leur bruyante circulation, les retraits des libertés de gestion par l'aggravation souvent excessive de la tutelle de la puissance publique et administrative, la menace de la défiguration du paysage et du site par l'apparition de nouvelles et bien nombreuses constructions implantées sans cohérence.

Le vieillissement et la force du temps nécessitent sans cesse des rénovations souvent fondamentales, qui demandent temps, énergie et bien sûr moyens, mais aussi des compétences techniques spécifiques.

Heureusement, l'arrivée et la motivation de responsables,comme ceux du CNRS spécialisés dans les techniques et l'architecture des XVI° et XVII° siècle peuvent donner une dynamique, une créativité et surtout une connaissance spécifique qui, à tout égard, est aussi novatrice que fonctionnelle. Ainsi les travaux de réfection des murs de soutènement prennent maintenant une nouvelle ampleur.


La grande ambition pour ce nouveau siècle sera la réfection des voûtes des sous-sols, des caves et des souterrains, dont la chronologie de réalisation est enfin programmée après plus de trois ans de relevés et d'études.

Une entreprise qui est menée de pair avec le début de la restauration des jardins du Nord, les jardins d'eaux appelés depuis les jardins des carpières.

Pour ces actions, un soutien important a été matérialisé par la création de l'association des "Amis de Saint Ange", qui regroupe déjà de nombreux "amoureux" du site et de son histoire en provenance de bien des Horizons tant en France qu'à l'étranger.


Les "Amis de Saint Ange" ont pour mission, au-delà du conseil et de l'aide directe, d'organiser les contacts et les relations avec l'administration pour l'aspect défensif de la protection du site comme pour l'aspect actif du soutien aux réalisations.

Certains d'entre eux, qui savent unir passé et présent, ont décidé de créer un site internet qui pourra, bien sûr, être ouvert aux autres maisons et jardins de la vallée de l'Orvanne et des environs qui le souhaiteraient.


La connaissance progresse : L'histoire est chaque jour un peu plus découverte et plus redécouverte. Les archives, nationales ou départementales,les archives spécifiques, Militaires et Religieuse, les fonds privés s'ouvrent et deviennent chaque jour plus accessible, avec ce cadeau venu à la fin du XX° siècle les possibilités de reproduction et de reprographie

Car c'est certainement plusieurs générations qui seront nécessaires pour restituer ce que très peu d'années ont par la stupidité, la jalousie, l'appât du profit, détruit et dispersé.


Aussi, paraphrasant le poète et pensant à ce site et à cette histoire de Saint Ange :


"Immortels sont les lieux habités par la beauté et l'amour"


Jérôme de ROYS


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